Guillaume Robin, président de Thermador Groupe : « notre objectif est de ne jamais baisser le dividende ».
Le patron de ce groupe de distribution de matériels pour la circulation des fluides dans le bâtiment et l’industrie explique comment les résultats ont pu progresser l’an dernier malgré le contexte inflationniste et les problèmes d’approvisionnement. La rénovation énergétique lui offre encore de belles perspectives de croissance.
La lettre de la bourse : quel regard portez-vous sur l’année 2022 et sur vos résultats ?
Guillaume Robin : Il faut se souvenir que l’année 2021 était hors norme et extrêmement favorable pour nos activités. Il y a un an, nous nous serions largement contentés de reproduire les mêmes performes et il se trouve que nous les avons améliorées. C’est un point de satisfaction important alors que la guerre en Ukraine a eu des impacts indirects très significatifs, notamment au niveau de l’inflation que nous avons dû répercuter à nos clients à hauteur de 10,8%, ce qui est inédit pour notre groupe. Cela n’a même pas été suffisant puisque nous avons perdu un peu de marge commerciale que nous allons tenter de récupérer cette année avec de nouvelles hausses de prix de 4 à 5%. En revanche, la prise de conscience du prix de l’énergie a favorisé la rénovation énergétique des bâtiments et certaines de nos filiales, dont la principale Thermador, en ont profité à travers les aides comme MaPrimRénov’ facilitant l’achat de matériels tels que les accessoires de pompes à la chaleur et les chauffe-eau solaires. Ces programmes de rénovation portent sur plusieurs années. Il y a plus de 5 millions de passoires thermiques en France et l’on ne peut en rénover que 600.000 à 700.000 par an, ce qui signifie que nous avons encore un gros potentiel de croissance dans le cadre du programme de réduction de l’impact des bâtiments en France. Les coûts ont aussi beaucoup augmenté en 2022, tout comme les salaires, ce qui nous oblige à poursuivre les augmentations de prix. Au final, notre chiffre d’affaires a progressé de 13,8% pour atteindre 553,8 millions d’euros, tandis que le bénéfice s’améliore de 11,3% à 58,89 millions d’euros.
La lettre de la bourse : comment s’explique l’érosion de 0,7 point de la marge opérationnelle ?
G R : C’est la conséquence directe de la baisse de notre marge commerciale. Nous devons travailler notre princing power, c’est-à-dire notre capacité à passer des hausses de prix dans nos activités destinées au grand public, où il est difficile de répercuter les hausses de prix auprès des marques de bricolage alors que la répercussion s’effectue normalement avec les autres grands clients du B2B. Les grandes surfaces de bricolage ont souffert l’an dernier, notamment sur les gros matériels. Tous rayons confondus, leur chiffre d’affaires n’a augmenté que de 1% malgré l’inflation sur les prix ce qui signifie que leurs volumes ont fortement reculé. Il est vrai que la base de comparaison était élevée en 2021. Par ailleurs nous observons que la tendance s’est légèrement améliorée depuis le deuxième semestre.
La lettre de la bourse : Avez-vous rencontré des difficultés d’approvisionnement pour vos activités ?
GR : Nous en avons rencontré en Chine et en Europe à différents moments de l’année. Le seul moyen d’amortir les chocs et d’être meilleur que nos concurrents consiste à disposer d’un bon niveau de stock. A cet égard je suis très satisfait du niveau de stock correspondant à 192 jours d’achat consommés atteint à la fin de l’année, soit un niveau conforme à l’objectif. Il faudra voir quel sera l’impact du nouvel an chinois et de la crise sanitaire en Chine sur nos approvisionnements en début d’année, mais notre stock nous met à l’abri de nouveaux chocs. Nous avons pu en tout cas servir correctement nos clients malgré un service logiquement un peu moins bon qu’en 2019.
La lettre de la bourse : Des changements sont-ils nécessaires au niveau de vos sources d’approvisionnement ?
GR : c’est une stratégie à mener sur le très long terme et nous ne pouvons pas prendre de mesures trop radicales d’autant que nous travaillons avec des partenaires chinois qui nous donnent pleine satisfaction depuis des dizaines d’années. En 2022, nous avons maintenu un tiers de nos achats en Asie et deux tiers en Europe. Nous souhaitons surtout diversifier les sources d’approvisionnement de manière à faire émerger d’autres fournisseurs. Nous travaillons déjà avec l’Inde qui pourrait être une piste à creuser pour le futur.
La lettre de la bourse : Thermador Groupe a poursuivi ses acquisitions l’an dernier en entrant dans un nouveau métier, celui des travaux publics. Quelle est la stratégie ?
En octobre dernier, nous avons effectivement réalisé l’acquisition de la société DPI, présente dans le secteur des travaux publics. Cette opération n’était pas vraiment inscrite dans notre feuille de route mais il faut savoir étudier les opportunités et nous en avons conclu qu’il y avait un intérêt pour notre groupe avec d’importantes synergies à la clé. Nous sommes en effet peu présents auprès des grands acteurs des travaux publics qui sont très proches des acteurs des bâtiments. DPI vend des canalisations pour les réseaux secs et les réseaux humides. Cette deuxième activité fonctionne avec des vannes, des pompes et des raccords que nous distribuons et qui sont actuellement achetés auprès de nos concurrents. En termes de marges, DPI est moins rentable que la moyenne de notre groupe, mais son retour sur capitaux employés est intéressant car cette société n’a pas de stocks et achète auprès de fournisseurs de proximité européens. D’une manière générale notre stratégie de croissance externe est surtout tournée vers l’export, à l’image de l’acquisition de la société belge Sodeco dans le domaine de la robinetterie industrielle, qui a connu un parcours remarquable depuis son entrée dans notre périmètre. Nous souhaiterions dupliquer cette opération dans d’autres pays européens, mais encore faut-il trouver les cibles et que les actionnaires familiaux aient envie de rejoindre un grand groupe.
La lettre de la bourse : de quelle marge de manœuvre financière disposez-vous pour poursuivre les acquisitions ?
GR : A la fin de l’année dernière, notre endettement net de 30,6 millions d’euros ne représentait que 10% des fonds propres après affectation du résultat. Cela signifie que nous avons encore la possibilité de réfléchir à de nouveaux investissements. La limite vient surtout de notre capacité à intégrer correctement de nouvelles équipes, car cela demande beaucoup de travail et de ressources. La thématique RSE peut également constituer un frein dans la mesure où il faut accompagner les nouvelles entités dans leur reporting extra-financier. Depuis notre introduction en bourse en 1987, nous n’avons jamais réalisé d’augmentation de capital, mais nous pourrions très bien actionner ce levier en cas de grosse opération même si rien de tel n’est prévu à ce stade.
La lettre de la bourse : comment envisagez-vous l’année 2023 ?
GR : entre l’inflation et les problématiques géopolitiques et écologiques, il y a de quoi se faire du souci sur la croissance économique en Europe, même si le début d’année montre une certaine résilience. La bonne tenue du marché de la rénovation, porté par les mesures d’accompagnement, devrait compenser la faiblesse de la construction neuve. Il est cependant difficile de savoir comment seront perçues les hausses de prix de 4% à 5% que nous entendons passer. Compte-tenu de ces hausses de prix et de l’intégration en année pleine de DPI, les objectifs de chiffre d’affaires de plus de 600 millions d’euros prévus par les analystes financiers ne me paraissent pas déraisonnables. En termes de rentabilité, nous espérons améliorer progressivement notre marge commerciale mais il faut aussi tenir compte de l’impact dilutif lié à l’intégration de DPI. L’impact de change lié à la baisse de l’euro ne sera peut-être pas aussi défavorable qu’en 2022 sur nos achats cette année.
La lettre de la bourse : pouvez-vous rappeler quelle est la politique de distribution de Thermador Groupe ?
GR : Nous allons proposer à nos actionnaires une augmentation de 4% du dividende à 2,08 euros par action, ce qui correspond à un taux de distribution de 32,5%. Ce taux a souvent été plus important par le passé mais notre objectif principal consiste surtout à ne jamais baisser le dividende, ce qui est le cas depuis l’introduction en bourse en 1987. C’est la raison pour laquelle le dividende progresse moins que le bénéfice en 2022, mais nous offrons de la visibilité pour les prochaines années. Il faut par ailleurs appréhender le rendement global de l’action en tenant compte de la progression du cours de bourse. Et sur ce plan, nous surperformons largement les grands indices comme le CAC 40 ou le CAC Mid & Small sur 10 ans avec un rendement moyen annuel de 17%. Les actionnaires n’y sont pas insensibles. Nous dénombrons désormais plus de 8000 actionnaires individuels et la part des investisseurs étrangers dans notre capital est passé de 21,6% à 26,2% en deux ans, ce qui démontre l’attractivité de notre titre.
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