Bruno Benoliel, Directeur général adjoint d’ALTEN : « Vers une croissance interne de 10% des revenus cette année »
Sur un secteur de la recherche et développement externalisé porteur et bénéficiant des grandes thématiques de la décarbonation et du digital, Alten affiche une forte visibilité et un bilan solide vierge de dettes. Son patron, Bruno Benoliel, nous livre son analyse et ses perspectives.
Quel bilan tirez-vous du début d’année d’ALTEN ? Le ralentissement redouté ne semble pas se matérialiser ?
Bruno Benoliel : Nous avons effectivement été favorablement surpris par la robustesse de la croissance organique au premier trimestre, à 14,4%. Au second trimestre, comme nous l’anticipions, nous observons une décélération de la croissance organique, qui reste mesurée. L’activité demeure globalement bien orientée et nous devrions être en mesure de réaliser une croissance interne d’environ 10% sur l’année. La forte reprise de l’activité depuis deux ans se traduit par une base de comparaison exigeante. Les fondamentaux du marché de l’ingénierie et du Conseil en hautes technologies restent porteurs.
Comment expliquez-vous cette résilience de votre groupe ?
B. B : D’abord, le marché bénéficie depuis des années de puissants catalyseurs comme la transition écologique, la digitalisation des process ou la data science associée à l’intelligence artificielle. Cela n’empêche pas la réduction de budgets d’investissement en recherche et développement de nos clients pendant les phases de fort ralentissement de la conjoncture, mais la tendance de long terme demeure très favorable. ALTEN en profite grâce à une excellente diversification de son portefeuille d’activité permettant à la fois d’adresser tous les métiers de l’ingénieur et d’être au plus près des demandes des clients. Nous disposons également d’une large couverture sectorielle. Notre modèle managérial est assez particulier avec une forte décentralisation offrant une agilité commerciale et technique très efficace. Nos directions techniques sont organisées par secteur d’activité ; nos centres d’excellence sont structurés autour des métiers de l’ingénieur. Nous sommes ainsi capables de répondre aux enjeux métiers de nos clients. Nous disposons également de centres de delivery « nearshore » et « offshore ».
Quels sont les secteurs d’activité les plus toniques et ceux moins en vue ?
B. B : Les industries de l’automobile, l’aéronautique, la défense, la sécurité ou les semi-conducteurs par exemple continuent de rester dynamiques. A l’inverse, la banque en France et dans une moindre mesure aux Etats-Unis marque le pas au deuxième trimestre. Même constat dans le retail, les services ou dans les télécoms depuis que les déploiements dans la 5G sont en grande partie réalisés. La tendance est, en revanche, plus contrastée dans l’énergie avec l’Oil and Gas toujours en retrait mais la demande reste robuste dans les énergies renouvelables et dans le nucléaire, un domaine confronté à une pénurie d’ingénieurs.
Dans quel domaine le groupe est-il le plus sollicité par ses clients ?
B. B : La thématique de la transition écologique mobilise nos clients dans de nombreux domaines industriels comme l’automobile, le ferroviaire, l’aéronautique, le naval ou l’énergie. Les mêmes enjeux concernent l’IT avec le cloud vert par exemple. D’autres thématiques en lien avec la digitalisation dans le retail, la banque, les médias mais aussi dans l’industrie sont dynamiques. L’industrie 4.0 répond aux enjeux d’automatisation et d’interopérabilité des moyens de production pour gagner en productivité et en compétitivité, pour adapter plus facilement les capacités à la demande.
Davantage en amont interviennent aussi les projets d’éco-conception des produits permettant d’augmenter la part des matières recyclables utilisées, d’optimiser les process de production et de prévoir le recyclage en aval. Enfin, la thématique de la data science est porteuse. Par exemple, en l’associant à de l’intelligence artificielle, elle permet d’élaborer des programmes de maintenance prédictive. Cela permet de diminuer les coûts de maintenance et d’immobilisation d’un appareil, et d’optimiser son TCO (coût de possession durant tout le cycle de vie du produit).
Justement comment abordez-vous la révolution de l’intelligence artificielle ? Est-ce un atout ou une menace ?
B. B : On l’intègre déjà dans quelques offres notamment dans la data science. L’intelligence artificielle va compléter les technologies existantes en facilitant le développement de certains logiciels, en augmentant la productivité dans un environnement de tension sur le marché du travail, ce qui est une bonne chose, ou en fiabilisant les activités de tests. Il s’agit d’une nouvelle technologie qui sera intégrée à nos offres et à nos outils. Mais ce sujet pose la question de la confidentialité et de la sécurité de la donnée. On ne pourra pas utiliser l’intelligence artificielle en mode ouvert.
Le groupe est-il toujours confronté à des difficultés de recrutement ? Quelle est la stratégie pour attirer les talents et fidéliser les équipes ?
B. B : Très élevé l’an dernier avec un taux proche de 30%, le turn over a ralenti depuis le début de l’année mais demeure malgré tout supérieur à notre niveau normatif compris entre 22% et 25%. En moyenne, un salarié reste entre 4 et 5 ans chez ALTEN. Recruter de nouveaux talents est toujours compliqué. ALTEN a la chance d’être une entreprise importante et de dimension internationale permettant d’offrir à ses collaborateurs la possibilité de travailler sur des projets de très haute technologie et d’évoluer sur des secteurs d’activité différents pendant leur parcours professionnel. Toute une stratégie de bien-être au travail, de formation continue et d’accompagnement dans le déroulé des parcours de carrière est déployée pour faire d’ALTEN une entreprise attractive pour de jeunes ingénieurs !
L’inflation salariale est-elle une réalité ? Parvenez-vous à la répercuter à vos clients ?
B. B : En raison de la rareté de la ressource et de l’inflation, les augmentations de salaire en 2022 et 2023 ont été plus élevées que les hausses observées les années passées. Nous devons tenir compte de l’évolution du marché du recrutement et adapter également nos grilles de salaire internes pour conserver nos talents. Répercuter cette inflation salariale auprès de nos clients n’est pas toujours facile mais nous y parvenons avec un certain décalage pour en limiter les incidences sur la marge opérationnelle L’objectif est de la maintenir autour de 10%, son niveau normatif.
Le groupe a réalisé au premier trimestre une petite acquisition en Amérique du nord. Quelles sont les zones géographiques et les expertises sur lesquelles le groupe cherche à se renforcer ?
B. B : La croissance externe fait partie de l’ADN d’ALTEN. Les deux tiers de la progression du chiffre d’affaires proviennent en moyenne de la croissance interne et un tiers des acquisitions. Cela nous permet d’atteindre la taille critique sur certaines géographies où nous sommes insuffisamment représentés et d’acquérir de nouveaux référencements clients. Notre modèle est générateur de trésorerie ; le groupe autofinance ses acquisitions. Plusieurs dossiers sont actuellement à l’étude. La priorité est de nous renforcer aux Etats-Unis, en Inde et au Japon, un pays qui recèle un réel potentiel. L’Europe demeure également un marché prioritaire ou nous restons opportunistes, notamment en Allemagne.
Quel est l’intérêt pour ALTEN de conserver autant de trésorerie à son bilan ? Une partie pourrait-elle être reversée aux actionnaires ?
B. B : Nous disposons effectivement d’une confortable réserve de liquidités provenant en partie de la cession l’an dernier aux Etats-Unis de la société C-Prime qui n’était plus un actif stratégique. Nous privilégions le financement du développement du groupe, qu’il soit organique ou externe. Il n’est donc pas envisagé pour l’instant de mettre en œuvre des programmes de rachat d’actions ou de procéder à une distribution de dividendes exceptionnels. Cela dit, nous avons proposé d’augmenter le dividende à 1,5 euro par action à l’assemblée générale du 30 juin, en hausse par rapport à celui versé l’an dernier, de 1,3 euros. Il était de 1 euro avant le Covid.
Délivrez-vous des perspectives pour cette année et à plus long terme ?
B. B : Il est encore un peu tôt dans l’année pour faire des projections. Il est toutefois envisageable cette année de réaliser une croissance organique d’environ 10%. La marge opérationnelle courante, qui avait atteint un niveau record de 11,1% de l’an dernier sera, comme anticipé, en repli en 2023. Je rappelle que le Groupe a toujours communiqué sur un niveau de marge opérationnelle d’activité normative d’environ 10 %.
Etes-vous satisfait du parcours de l’action ALTEN en Bourse ?
B. B : Le titre me semblait sous-évalué l’année dernière. Il a depuis bien performé et me paraît plus cohérent. De toute façon, la stratégie d’ALTEN a toujours été claire sur le long terme et offre une visibilité appréciée, je pense, des investisseurs.