Damien Billard, directeur général délégué de LNA Santé: « nous sommes engagés dans une nouvelle trajectoire de croissance vertueuse »
Le dirigeant de ce premier acteur indépendant transformateur de l’offre de santé nous explique en quoi le groupe se différencie des sociétés d’EHPAD classiques et comment LNA santé va continuer de se développer sur un secteur qui reste porteur à moyen et long terme.
La lettre de la bourse : Comment se sont portées les activités du groupe au premier semestre?
Damien Billard : Notre dynamique a été soutenue avec une croissance organique de 6.4% de notre chiffre d’affaires. Le redressement de nos activités est achevé sur le parc sanitaire (établissement à pleine capacité) et pour les EHPAD, 90% des capacités du réseau ont retrouvé leur performance historique de taux d’occupation à 95% et plus. Les 5 EHPAD encore en retard en matière de taux d’occupation sont implantés sur des territoires concernés par des épisodes épidémiques vigoureux lors de l’hiver 2022/2023 qui ont conduit à des décès plus élevés que lors des précédents exercices. Ce dernier constat est valable à l’échelle des régions impactées (PACA principalement), et n’est pas circonscrit au seul parc de LNA Santé naturellement.
Dans quelle mesure les résultats sont-ils impactés par l’inflation et par la réforme de financement des cliniques de soins médicaux et de réadaptation ?
D.B : Nous sommes touchés par un effet ciseau avec le manque d’attractivité des métiers de santé qui génère des tensions salariales, exacerbées par une concurrence sociale entretenue par l’Etat entre opérateurs (par des aides à seule destination du secteur public), et l’insuffisance notoire de revalorisation des tarifs. L’Etat paupérise toute une profession. Le forfait soin en EHPAD (33% des revenus) et le prix de journée en clinique SMR (80% des recettes) sont revalorisés très faiblement à respectivement +2.1% et +1.2% en 2023. La réforme du système de tarification des cliniques de soins médicaux et de réadaptation est entrée en œuvre au premier juillet avec neutralisation des effets en 2023 et 2024. Il n’y a donc pas d’impact économique.
Comment envisagez-vous la deuxième partie de l’année et les performances annuelles dans leur ensemble ?
D.B : Le second semestre devrait avoir un profil proche du premier en termes d’activité (au prorata des jours calendaires) ainsi qu’en termes de résultats et de marges. Pour l’ensemble de l’exercice, nous confirmons l’objectif d’une croissance organique de 6% et d’un chiffre d’affaires Exploitation proche de 720 M€. Le levier d’Exploitation devrait se maintenir sous un ratio de 2 fois et la résilience des métiers permet d’envisager une marge d’excédent brut d’exploitation hors IFRS 16 des sites en croisière au niveau de 11% du chiffre d’affaires Exploitation.
Quelle est la politique du groupe en matière d’investissements et de croissance externe ?
D.B : Nous allons maintenir les investissements autour de 2,25% du chiffre d’affaires des établissements
et nous avons aussi un programme d’acquisitions de l’ordre de 150 millions d’euros à déployer sur la période 2023-2027. Il y aura des besoins de restructuration-consolidation avec des opportunités à saisir. Pour le moment, le marché des transactions dans le privé est à l’arrêt et en recherche de repères car l’inflation, l’insuffisance d’accompagnement tarifaire par les pouvoirs publics et les changements réglementaires fragilisent certains opérateurs qui ne s’aventurent pas dans un processus de vente. Mais ils risquent d’y être contraints du fait de leur situation économique fragilisée dans le contexte d’inflation massive et de sous-financement tarifaire. Le time to market sera essentiel pour acheter au bon prix. Il conviendra aussi d’intervenir à bon escient, sans précipitation, et en plusieurs fois.
Le développement en provenance du public est de longue haleine mais la confiance s’installe et la bonne image de LNA nous précède un peu désormais comme en témoigne l’opération du Pôle de Santé de Meaux.
La situation financière vous parait-elle solide et nécessite-t-elle des cessions d’actifs ou de nouveaux fonds propres ?
D.B : Notre bilan est solide avec 100 millions d’euros de trésorerie et une capacité de tirage d’autant, ce qui porte nos liquidités potentielles à 200 millions d’euros. C’est une situation qui permet de naviguer par gros temps en étant serein et audacieux
Comment va évoluer le coût de la dette au cours des prochaines années ?
D.B : Le coût devrait continuer de remonter car la moyenne des taux monétaires au deuxième semestre dépassera celle du premier. Les couvertures de taux sont toutefois efficaces. Côté immobilier, notre dette est de maturité plus courte et est un peu moins immunisée, mais nous pouvons agir sur ce point, puisque les stocks immobiliers figurant au bilan et financés par l’endettement ont vocation à être cédés. LNA ne rencontre pas de difficultés dans l’écoulement des lots immobiliers et nous allons accélérer leur sortie du bilan autant que faire se peut.
Quels sont les grandes lignes du projet « Grandir Ensemble » et quel est l’état d’avancement ?
D.B : Ce projet à de multiples axes. Il s’agit notamment de positionner la personne fragilisée et ses proches aidants au centre de notre organisation et de nos offres, de devenir l’employeur de référence des professionnels de santé, d’améliorer l’efficience de nos organisations, d’accélérer notre dynamique d’exploration et d’innovation, de réussir notre développement en France et en Europe, de réduire notre empreinte carbone… Nous sommes engagés dans la transformation de notre Groupe et de son offre de santé avec l’ambition d’une nouvelle trajectoire de croissance vertueuse et avec l’objectif d’asseoir la position de LNA Santé comme premier acteur indépendant transformateur de l’offre de santé. Au cours de cette 1ère année de GE#3, nous avons conclu un accord de Groupe sur la qualité de vie et les conditions de travail, la gestion des emplois et des parcours professionnels. Nous allons proposer une nouvelle mutuelle unique pour tous par fusion des régimes non-cadres et cadres. Nous avons aussi adopté le statut d’entreprise à mission avec un conseil d’administration qui s’est étoffé avec l’arrivée de 2 nouvelles administratrices.
Le groupe est-il une victime collatérale du scandale Orpea ?
D.B : Nous nous sentons très étrangers de ces événements tant ils sont éloignés de notre culture, de nos valeurs et de notre gouvernance familiale et responsable. Naturellement, nous sommes frappés par la défiance généralisée à l’ensemble d’un secteur. A cet égard, il est bon de rappeler que les fondamentaux du secteur santé demeurent : vieillissement de la population, prévalence des maladies chroniques, besoin accru en médicalisation. Ils offrent une grande visibilité aux métiers de la santé. Les fondamentaux de LNA Santé sont bel et bien là avec, en comparaison du reste du secteur (tous les analystes l’écrivent), des performances opérationnelles et financières de bonne tenue. L’essentiel de nos activités est réalisé dans le champ du sanitaire (cliniques SMR/PSY/Chirurgie et HAD) faisant de LNA un opérateur global de santé, très éloigné de l’image caricaturale de groupe d’EHPAD privé. Ce scandale circonscrit à un acteur devient un prétexte facile pour stigmatiser toute une profession et jeter l’opprobre sur les opérateurs sous statut privé lucratif. Les acteurs privés exercent aussi bien leur mission que les acteurs publics ou associatifs. Que ceux qui en doutent se réfèrent aux résultats des contrôles menés par les ARS. Ils leur permettront de juger sur pièce si la qualité est plus dégradée dans le privé que dans le public. Oui, des investisseurs inquiets de la tourmente du secteur sont sortis de notre capital. Nous leur disons que les qualités du dossier LNA constituent un avantage concurrentiel clair dans un secteur d’avenir et que notre dynamique d’activité des prochaines années sera au rendez-vous car peu nombreux seront les opérateurs disposant des moyens financiers et des expertises pour transformer l’offre de santé.
Ne redoutez-vous pas un regain de régulation du secteur suite à cette affaire ?
D.B : S’il s’agit de multiplier les formalités administratives et les reportings sans aucune évaluation de la qualité des pratiques métiers, une régulation administrative et punitive serait un rendez-vous manqué. Si en revanche on s’achemine vers la professionnalisation des pratiques métiers et une exigence accrue dans la qualité opérationnelle des services, alors naturellement cette régulation, nous l’appelons de nos vœux parce qu’elle ferait sens en valorisant les bonnes pratiques.