Eric Baissus, président du directoire de Kalray : « Nous sommes sur une pente de très forte croissance ».
Véritable révolution technologique, l’intelligence artificielle devient un phénomène de mode en Bourse. Kalray est leader des microprocesseurs DPU adaptés aux flux de données. Son patron, Eric Baissus, nous fait part des atouts de Kalray et de ses ambitions sur un marché en très forte croissance.
Présentez-nous dans les grandes lignes la valeur ajoutée du groupe dans les microprocesseurs « intelligents » ? A quels secteurs s’adressent-t-ils ?
Eric Baissus : L’intelligence artificielle est une nouvelle approche pour traiter les données, qui va avoir des impacts aussi larges que l’apparition d’Internet en son temps. Mais si l’intelligence artificielle telle que nous la connaissons aujourd’hui est possible, c’est essentiellement grâce aux progrès qui ont été faits par l’industrie des semi-conducteurs pour fournir des processeurs beaucoup plus performants. Ces gains massifs de performance ont été rendus possible grâce à un nouveau type de processeurs, les processeurs massivement parallèles. Il existe deux types de processeurs massivement parallèles. Les GPU, qui ont été initialement développés pour faire des cartes graphiques (et dont NVIDIA est le leader le plus connu), et plus récemment, les DPU, dont Kalray est un des pionniers et leader du marché, fruits de 15 ans de développement. GPU et DPU ont des caractéristiques et des usages différents mais vont être au cœur du déploiement de l’intelligence artificielle dans les années à venir. Les DPUs sont particulièrement adaptés pour traiter des flux de données, comme dans les solutions de stockage, de communication ou encore dans ce qu’on appelle le Edge Computing, c’est-à-dire les solutions intelligentes en périphérie du réseau comme dans les usines, dans les transports ou encore les télécoms.
Le groupe vient d’étoffer sa gamme de microprocesseurs avec le lancement début septembre de Coolidge™2 compatible avec l’essor de l’intelligence artificielle. Qu’en attendez-vous ?
E. B : En effet, nous sommes très heureux d’avoir annoncé la disponibilité il y a quelques jours de Coolidge™2 qui a été livré aux premiers clients dès la fin du mois de septembre. Coolidge™2 est le premier DPU au niveau mondial avec ce niveau de performance en intelligence artificielle. Pour donner un ordre de grandeur, Coolidge™2 est capable de faire 50 000 milliards de calcul par seconde… Coolidge™2 va être intégré dans notre offre de stockage rapide mais surtout va adresser le marché en plein essor de l’intelligence dans le Edge Computing. Kalray a déjà annoncé avoir signé un « jumbo contract » sur ce marché, dont les revenus attendus sont de plusieurs dizaines de millions d’euros par an, sur une période devant s’étendre sur 5 ans minimum et qui devrait débuter à partir de 2025.
Comment réagissez-vous à la sanction du marché à la suite de la publication de vos comptes semestriels ?
E. B : La Société ne commente pas son cours de Bourse. Kalray est indéniablement sur une pente de très forte croissance. Nous avons fait un excellent premier semestre. Le chiffre d’affaires a atteint plus de 15 millions, soit 3 fois plus qu’au premier semestre de l’année dernière. La marge est élevée à plus de 60%. Et nous affichons une forte amélioration de nos résultats semestriels avec, pour la première fois de notre histoire, un EBITDA à l’équilibre. Sur l’année, nous visons 30 millions de chiffre d’affaires soit quasiment un doublement de notre activité par rapport à l’année dernière, tout en continuant à se rapprocher de l’équilibre, puisque nous visons un EBIDTA à l’équilibre également sur l’exercice 2023. Ceci est le reflet de la pertinence de nos choix stratégiques et la valeur de nos produits. Notre changement de dimension opéré en 2022 nous permet aujourd’hui d’entrer dans un cercle vertueux de croissance et de rentabilité.
Visiblement, la mise en place de partenariat avec l’américain Dell notamment pour la commercialisation de vos processeurs prend plus de temps que prévu. Pourquoi ? Quels sont les autres partenaires ?
E. B : Nous avons décidé de commencer à mettre en place un réseau de vente indirecte, via des partenaires au niveau mondial afin de nous permettre de déployer de manière rapide et économe nos offres sur le marché. C’est une étape importante pour continuer à croître de manière très forte nos revenus tout en atteignant rapidement la rentabilité. Ce modèle de vente nous permet en effet de nous appuyer sur la force de vente, de marketing et support de nos partenaires plutôt que de devoir investir par nous-même. Dans ce contexte, Dell Technology, qui est le leader mondial du secteur, est un partenaire de choix. La montée en puissance de ce modèle indirect prend un peu plus de temps que prévu mais le modèle commence à porter ces fruits et nous permet d’être confiant dans notre objectif d’atteindre un EBITDA à l’équilibre dès cette année.
Qu’attendez-vous de l’alliance stratégique conclue avec Grass Valley sur le marché des médias et du divertissement ?
E. B : Le partenariat conclu avec Grass Valley s’inscrit complètement dans cette stratégie de mise en place de partenaires distributeurs de nos solutions. Notre filiale spécialisée dans le monde du Media, pixitmedia a en effet conclu un partenariat avec Grass Valley, un des principaux fournisseurs de technologies pour le marché des médias. Grass Valley a choisi la solution de stockage de pixitmedia afin de l’intégrer à son écosystème Agile Media Processing Platform (AMPP). Là encore, l’idée est de s’appuyer sur des partenaires qui nous permettent de déployer notre offre plus rapidement et à moindre coût.
L’inflation et la pénurie d’ingénieurs constituent-elles un handicap pour Kalray ?
E. B : L’inflation n’a pas d’effet majeur particulier pour Kalray. Quant au recrutement, nous avons la chance d’être reconnu par les candidats comme une société unique dans le monde de la high tech en France et en Europe, ce qui nous permet d’attirer des talents malgré un marché des recrutements tendu.
Le groupe est en avance dans l’atteinte d’un excédent brut d’exploitation à l’équilibre cette année. Quels sont les leviers alors que parallèlement le chiffre d’affaires sera moins important ?
E. B : C’est la mise en place de notre modèle de vente indirecte qui rend cela possible. Certes, la montée en puissance au niveau du revenu est un peu plus lente car les cycles de ventes sont un peu plus longs, mais ce modèle nous permet aussi d’être plus efficace tout en visant tout de même un doublement de notre chiffre d’affaires sur l’année. C’est donc un pari gagnant pour l’avenir.
Délivrez-vous des perspectives à plus long terme ?
E. B : Nous sommes sur un marché en très forte progression. Le marché des semi-conducteurs pour l’AI doit par exemple croitre de 30% sur les 10 prochaines années. Nous comptons bien sûr nous inscrire dans cette croissance, en devenant un des leaders des processeurs DPU et des solutions associées même si nous ne souhaitons pas donner d’objectifs précis à long terme à ce stade.
Avec une trésorerie nette de 13,1 millions pour des fonds propres de 55,57 millions, le groupe dispose-t-il d’un bilan suffisamment solide pour continuer de financer sa montée en puissance ?
E. B : La trésorerie disponible de Kalray est solide à 23,3 millions au 30 juin 2023 contre 32,2 millions au 31 décembre 2022 dans un contexte de financement de la croissance (-6, 5 millions de flux d’exploitation) et de poursuite des investissements (-1,84 million de flux d’investissement). Cette trésorerie nous donne de la visibilité alors même que nous améliorons la profitabilité de la société.
Saisir des opportunités de croissance externe fait-il partie de la stratégie du groupe ? Sur quelle brique technologique et quel pays ?
E. B : L’acquisition d’Arcapix en 2022 a permis un changement de dimension très important de Kalray. En combinant notre offre et notre activité, nous avons accéléré de manière très significative notre croissance. Nous n’avons pas à ce jour de cible de croissances externes mais restons à l’écoute des opportunités. Beaucoup de synergies sont possibles avec nos puces.
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