Guillaume Robin, P-D.G. de Thermador Groupe: « Nous nous préparons à une année 2024 difficile ».
Le patron de ce distributeur de matériels pour la circulation des fluides dans le bâtiment et l’industrie revient sur les causes du ralentissement de l’activité du groupe depuis deux trimestres. Au regard d’une situation financière particulièrement solide, il n’envisage pas de modifier la politique de distribution régulière de dividendes.
La lettre de la bourse : L’activité de Thermador Groupe a accentué son déclin au troisième trimestre avec une baisse du chiffre d’affaires qui atteint maintenant 6,4% après 2% au deuxième trimestre. Comment l’expliquez-vous ?
Guillaume Robin : Après un début d’année très satisfaisant marqué par une croissance de 10,3% de notre chiffre d’affaires, nous sommes entrés dans une phase plus difficile en raison de bases de référence de plus en plus élevées. Il faut rappeler que nous étions sur un rythme croissance de 14,1% au 3e trimestre 2022 et de 15,9% au 4e. Parallèlement les hausses de prix répercutées aux clients diminuent. Elles étaient en moyenne de 10,8% en 2022 et devraient évoluer autour de 6% cette année. Et le mouvement va se poursuivre l’an prochain où nous attendons en première approche une hausse moyenne sur 12 mois glissants de 3%. D’une manière générale, nous n’avons plus besoin d’augmenter nos tarifs car nos fournisseurs n’ont pas de velléités à relever les leurs, sachant que les niveaux de prix atteints pourraient devenir bloquants dans le contexte actuel.
Constatez-vous par ailleurs un ralentissement de la demande sur vos marchés ?
G.R : C’est un fait. Nous observons une poursuite du ralentissement dans le domaine de la rénovation énergétique qui a été un accélérateur pendant plusieurs mois. Cela s’explique par un resserrement des conditions d’attributions des fonds par l’Agence nationale de l’Habitat (Anah) qui se traduit par un retard sur le délai de règlement des mandataires financiers, certains délais pouvant atteindre entre 85 et 95 jours. Nos filiales Thermador et Isocel en sont directement affectées au niveau de leurs ventes d’accessoires pour les pompes à chaleur et de chauffe-eaux solaires. Par ailleurs, le marché du logement neuf subit une chute violente et inédite des mises en chantiers et des permis de construire, avec un effet très pénalisant pour nos filiales PBtub et Thermacome. Enfin nous constatons un net retournement des ventes sur les groupes électrogènes vendus par nos filiales Mecafer et Domac après une année 2022 exceptionnelle portée par la demande ukrainienne.
Quel sera l’impact de ce ralentissement sur la rentabilité du groupe ?
G.R : Au premier semestre, notre marge opérationnelle a légèrement progressé de 0.2 point. Il faut s’attendre à une érosion de la rentabilité dans cet environnement moins favorable sachant par ailleurs que notre filiale DPI, présente dans les travaux publics, présente une marge opérationnelle intrinsèquement plus faible que celle des autres filiales car elle vend des produits à forts volumes. Je ne souhaite pas pour autant verser dans le catastrophisme car d’autres filiales comme Jetly et Sferaco conservent de très bons niveaux d’activités et de marge. Notre organisation décentralisée permet en outre à chacune de nos filiales de gérer au mieux son compte d’exploitation.
Quel sera l’impact des effets de change cette année et comment voyez-vous les prochains trimestres ?
G.R : Les effets de change auront un impact plutôt positif cette année grâce à nos couvertures en dollars avec trois mois d’avance. Je rappelle que nous réalisons 35% de nos achats en dollars, ce qui nous amène à avoir une approche prudente. En ce qui concerne les prévisions à moyen terme, nous prévoyons une baisse d’activité à périmètre constant au 4e trimestre et nous nous préparons à affronter une année 2024 particulièrement difficile.
Comment se passe l’intégration de DPI depuis son rachat ?
G.R : En sus des synergies commerciales, cette acquisition présentait l’intérêt d’un bon retour sur les capitaux investis (ROCE) car DPI travaille sans stock. Nous avons acquis cette société le 31 octobre 2022 sur la base d’un chiffre d’affaires annuel de 62 M€ et nous devrions atterrir autour de 42 M€ cette année. Cela s’explique par le fait que DPI a livré d’importants chantiers en 2022 qui ne se sont pas renouvelés. Il y a eu aussi un ralentissement en volume dans le domaine des travaux publics en début d’année ainsi qu’une érosion des prix provoqués par la baisse des prix du pétrole. La rentabilité de DPI ne sera toutefois pas obérée dans les mêmes proportions que le chiffre d’affaires car les gros chantiers 2022 avaient été traités à très faibles marges.
Rencontrez-vous encore des problèmes d’approvisionnement aujourd’hui ?
G.R : Il y a un an, nous rencontrions d’importants problèmes d’approvisionnement et de recrutement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous sommes plutôt tentés de ralentir les achats et réduire les stocks pour nous préparer à une baisse de volumes pour certains produits l’année prochaine. Nos filiales ont par ailleurs plus de candidatures pour chacune de leurs offres d’emploi et semblent vouloir stabiliser leurs effectifs.
Quelle est la situation financière du groupe ? Envisagez-vous de nouvelles acquisitions ?
G.R : Thermador Groupe disposait à la fin du premier semestre de 335 millions d’euros de fonds propres face à un endettement net très raisonnable de 28,6 millions. Nos stocks ont été ramenés en un an de 200 jours à 195 jours d’achat consommé, ce qui prouve que nos filiales sont vigilantes et prêtes à s’adapter au ralentissement de l’activité. Nous n’avons pas de velléités particulières en matière de croissance externe aujourd’hui mais regardons toutefois les opportunités qui pourraient se présenter en Europe en vue de rééquilibrer nos activités. En effet, les produits pour le bâtiment représentent presque la moitié de notre chiffre d’affaires et l’export seulement 17%.
Votre politique de distribution pourrait-elle évoluer avec la dégradation de la conjoncture ?
G.R : Depuis notre introduction en bourse, nous n’avons jamais baissé le dividende et nous l’augmentons à chaque fois que nous le pouvons. Nous n’avons pas l’intention de ternir notre réputation à cause d’un trou d’air momentané.
Vous venez d’annoncer un projet de plan d’actions gratuites pour l’ensemble de vos salariés. Quelles en sont les motivations ?
G.R : C’est une grande première. Il s’agit de récompenser la fidélité de nos collaborateurs. L’ancienneté moyenne du personnel est aujourd’hui de plus de 9 ans, ce qui montre que les gens sont motivés, bien dans leur travail et efficaces. Nous voulons nous assurer qu’à l’avenir nous pourrons continuer à fidéliser les salariés en prenant en compte l’arrivée des nouvelles générations et une nouvelle façon de vivre la relation avec l’entreprise. Il faut agir en facilitant l’accès au capital et en augmentant la part du capital détenue par les salariés et les retraités du groupe pour arriver à 8%, contre 7% aujourd’hui. Avec les mandataires sociaux et les dirigeants, nous arriverons je l’espère à plus de 10% du capital. J’ajoute que l’obtention des actions gratuites sera à 50% liée à l’atteinte de nos objectifs en matière de développement durable.
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