Nordine Hachemi, président directeur général de Kaufman & Broad : « Notre stratégie en matière de dividende est d’offrir de la visibilité à nos actionnaires »
Grâce à une politique de sélectivité dans le choix de ses programmes de logements, une solide structure financière vierge de dettes, et le gigantesque chantier de la rénovation du quartier de la gare d’Austerlitz, Kaufman & Broad parvient à tirer son épingle du jeu de façon remarquable dans un secteur pourtant en crise. Son président, Nordine Hachemi, nous livre son analyse du marché et affiche sa confiance dans les fondamentaux du groupe.
Comment appréciez-vous les comptes annuels du groupe ?
Nordine Hachemi : Nous en sommes satisfaits puisque la performance s’inscrit parfaitement en ligne avec nos objectifs. Le chiffre d’affaires a ainsi progressé de 7,2% à 1,4 milliard grâce à la montée en puissance du chantier de rénovation du quartier de la gare d’Austerlitz et la marge opérationnelle courante s’est appréciée de 0,3 point à 7,8%. Quant au bénéfice net, il a augmenté de 22,7% à 60,2 millions. Plus important, au regard de la crise du logement qui secoue la profession, est la qualité du bilan de Kaufman & Broad. Celui-ci fait apparaître une trésorerie nette de 180,5 millions pour des fonds propres de 234,5 millions. Cette solidité constitue nos munitions visant à faciliter l’adaptation de la société aux nouvelles réalités du marché de la promotion et à profiter des bouleversements.
L’amorce de la baisse des conditions de prêts immobiliers par plusieurs banques peut-elle relancer le marché résidentiel ou la purge va-t-elle se poursuivre ?
N. H : Les besoins de logement en France restent considérables pour des raisons sociologiques et démographiques évidentes combinées au fait que l’on construit de moins en moins chaque année. Depuis 2018 et la disparition de la taxe d’habitation, les maires rechignent à valider les permis de construire et les réglementations sont de plus en plus contraignantes. Le marché souffre aujourd’hui d’un déficit de logements. Cela fait des années que, chez Kaufman & Broad, nous alertons sur la flambée des prix de vente, des coûts de construction et des charges foncières. Ces dérives ont été absorbées jusque-là par les conditions de crédit anormalement basses de ces dernières années. Mais le volte-face des banques centrales sur le coût de l’argent et l’abandon par le gouvernement des mesures d’incitation fiscales pour les actifs destinés à la location ont brutalement assaini le marché de la promotion. Je ne suis pas inquiet dans la mesure où les Français ont besoin de se loger et les taux des prêts immobiliers commencent à baisser. Pour autant, les prix des terrains restent encore trop élevés et un ajustement supplémentaire est nécessaire. L’assainissement va encore durer un an avant que le marché reparte sur des bases plus rationnelles à partir de 2025.
Qu’attendez-vous du nouveau gouvernement en matière de logements ?
N. H : Le gouvernement promet un choc de simplification ! Dont acte, mais c’est déjà ce qu’annonçait François Hollande en janvier 2014. Depuis, les règlementations n’ont cessé de complexifier la gestion et le coût des programmes. Deux leviers sont à la disposition du gouvernement. Le premier est fiscal et le deuxième est règlementaire. Sur ce dernier, il peut agir et inciter les maires à accorder des permis de construire. La modification de la loi SRE va dans ce sens et c’est une très bonne chose mais si cela ne concerne qu’un nombre limité de villes. La stratégie de Kaufman & Broad n’est pas calquée sur une quelconque politique du gouvernement en matière de logement mais vise à rester performant en toute circonstance.
Quelle est la situation dans le tertiaire ?
N. H : Le marché est complexe en raison des grands changements intervenus sur les besoins. L’attractivité pour les bureaux situés en centre-ville est toujours importante mais avec peu d’offres et des taux d’occupation élevés. Les surfaces louées par les entreprises diminuent avec la démocratisation du télétravail. En revanche, en petite et grande couronne, beaucoup d’actifs de bureaux sont devenus obsolètes et la remontée des taux d’intérêt va accélérer leur transformation.
Le groupe a-t-il renforcé sa sélectivité dans ses recherches du foncier, sur ses programmes et leur commercialisation ?
N. H : Je ne dirais pas « renforcer » dans la mesure où la sélectivité a toujours fait partie de la culture de Kaufman & Broad. L’an dernier, faute d’une rentabilité suffisante, de nombreux projets ont été abandonnés. Notre critère prioritaire est de proposer à nos clients, particuliers ou institutionnels, des prix de vente accessibles ce qui nous permet de commercialiser nos programmes rapidement. Des ajustements ont dû être réalisés au cours de ces derniers trimestres pour tenir compte de la baisse du pouvoir d’achat des ménages et de l’augmentation du coût du crédit. Mais cela demande aussi de revoir en amont les coûts des programmes et le prix d’acquisition du foncier pour conserver un niveau de marge acceptable pour le groupe. C’est le travail que nous avons mené l’an dernier.
La montée en puissance du projet pharaonique de la rénovation du quartier de la gare d’Austerlitz se déroule-t-il conformément au calendrier prévu ?
N. H : oui, nous sommes même un peu en avance mais restons prudents au regard des aléas possibles liés notamment à la tenue cet été des Jeux Olympiques à Paris. Par conséquent, nous disposons de peu de visibilité. Le chantier est prévu pour être livré fin 2027.
L’inflation des matériaux, des coûts de construction et de la main d’œuvre demeure-t-elle un problème ?
N. H : Non aujourd’hui cette inflation est désormais intégrée. La vraie crainte concerne plutôt la solidité des sous-traitants, fragilisée par la crise du logement et par les retards de paiement de certains promoteurs. Cela peut compliquer le bon déroulement des programmes.
Pourriez-vous profiter de la crise dans la promotion immobilière pour racheter des acteurs plus fragiles ou la priorité est-elle de vous concentrer sur les performances internes du groupe et la solidité de son bilan ?
N. H : Malheureusement, les concurrents connaissent des difficultés en raison de coûts d’acquisition du foncier trop élevés. Il n’est pas possible ensuite de renégocier les conditions à la baisse. Raison pour laquelle reprendre des acteurs fragilisés offre peu d’intérêt. Nous préférons par conséquent nous concentrer sur les forces de Kaufman & Broad.
Quelles sont les perspectives du groupe pour cette année ? A plus long terme ?
N. H : Nous visons, sur l’exercice, un chiffre d’affaires en repli à 1,1 milliard en raison d’une reconnaissance moins importante des facturations du projet Austerlitz, une marge opérationnelle courante comprise entre 7% et 7,5% et la génération d’une trésorerie positive.
Quelle est la visibilité sur la politique de distribution ? Le dividende sera-t-il maintenu ?
N. H : oui, un coupon de 2,40 euros par action identique à celui du dernier exercice sera proposé à l’assemblée générale des actionnaires. Cela représente un montant de 48 millions largement à la portée du groupe qui dispose d’une abondante trésorerie nette de 180,5 millions. Notre stratégie en la matière est d’offrir de la visibilité à nos actionnaires.
Conseils sur Kaufman & Broad
Tous les conseilsKaufman & Broad : finalement peu touché par la crise de l’immobilier neuf
Grâce à la gestion d’un grand chantier tertiaire et à une bonne adaptation de son offre aux conditions du marché, le promoteur immobilier a été modérément impacté par le retournement brutal des réservations de logements. Le titre reste bon marché dans l’optique d’une reprise en 2025.
Kaufman & Broad résiste mieux en bourse que ses concurrents
Le regain de tension sur les taux des obligations souveraines françaises consécutif à la crise politique provoquée par la dissolution de l’Assemblée Nationale pèse sur les valeurs immobilières et en particulier sur les promoteurs comme Kaufman & Broad. Celui-ci résiste mieux en Bourse que Nexity ou le constructeur de maisons individuelles, Hexaom. La solidité du bilan avec une trésorerie nette qui représente près de 32% de la capitalisation et la visibilité offerte par le chantier gigantesque de rénovation du quartier de la gare Austerlitz représentent des atouts. Supérieur à 6%, le rendement est pérenne.
Kaufman & Broad, une belle résilience
Doté d'une structure financière vierge de dettes et d'une bonne visibilité liée au chantier titanesque de rénovation de la gare d'Austerlitz, ce promoteur parvient à surmonter la crise sur le logement neuf. Le rendement offert par l'action restera attractif à plus de 7%.
Kaufman & Broad : mieux que le secteur mais difficile quand même !
Dans un environnement adverse, le promoteur ne peut éviter une chute de ses réservations de logements même s’il résiste mieux que l’ensemble du secteur. Les objectifs pour cette année sont confirmés mais 2024 sera sans doute plus difficile.