Hassen Rachedi, président directeur général de HRS : « Nous sommes parmi les acteurs hydrogène les plus solides »
Rare société spécialisée dans la conception, la production et l’installation de stations de ravitaillement en hydrogène déjà rentable, son patron-fondateur, Hassen Rachedi, nous livre son analyse sur un marché à fort potentiel et ses ambitions pour son groupe.
Existe-t-il une forte concurrence sur le secteur des stations de ravitaillement en hydrogène ? Comment HRS parvient-elle à se démarquer ?
Hassen Rachedi : Avec le développement des infrastructures hydrogènes pour la mobilité, et notamment des stations de ravitaillement, poussé par la règlementation et les différents usages de nos clients, nous sommes sur un marché en pleine croissance. Nous sommes le seul acteur pure-player en Europe, parmi une poignée d’acteurs ayant des maturités industrielles inférieures à la nôtre. HRS se démarque fortement sur plusieurs points.
Tout d’abord, nous sommes aujourd’hui le leader européen avec un parc en service de 46 stations de ravitaillement en hydrogène de grande capacité (> 200kg/jour), dont 34 stations produites en tant qu’intégrateur pour l’un de nos clients entre 2009 et 2019 et 12 stations en tant que concepteur-fabricant-installateur dans les 30 derniers mois, soit, une station installée toutes les 10 semaines, pour lesquelles HRS fournit également la maintenance. De plus, à ce jour, 38 stations sont actuellement en fabrication ou à livrer, dont 15 stations de 1 tonne/jour. Par conséquent, au total, HRS cumule une expérience unique sur 84 stations.
Toutes nos stations ont la capacité de ravitailler tous types de véhicules, camions, bus, voitures de tourisme, flottes captives, engins de chantier…, avec une borne de 3 pistolets desservant plusieurs pressions, 350 bar /700 bar /350 bar HF, conforme au protocole SAE-J2601.
Quelle est la particularité du groupe au niveau industriel ?
H. R : Notre niveau de maturité industrielle est parmi les plus avancées du secteur, voire la plus avancée. Nous avons fait le choix d’une conception modulaire. Cette modularité permet de proposer aux clients un lissage du CAPEX pour accompagner la montée en puissance de ses usages, l’adaptation aux contraintes du foncier, la proposition technique adaptée à ses besoins.
Ce design, combiné à notre savoir-faire, nous permet aujourd’hui de produire des stations en seulement 8 semaines dans notre nouveau centre de production unique en Europe, avec une capacité de production inégalée de 180 stations par an.
Vous accompagnez vos stations d’une offre de services. L’idée est-elle de développer une certaine récurrence du chiffre d’affaires ?
H. R : Effectivement, HRS se démarque avec une offre de service de maintenance 24/7 des stations avec des équipes dédiées que nos clients plébiscitent, ce qui entraine une augmentation des contrats de maintenance et un flux de revenus récurrents important à l’avenir. Nous gérons l’ensemble de notre parc installé depuis notre site de production avec une control room dédiée permettant un suivi en direct, et une maintenance prédictive renforcée.
Quelle est votre politique en matière de recherche ?
H. R : Pour accroitre notre avance technologique, HRS se distingue par la priorité donnée à la recherche & développement, grâce à une équipe de plus de 35 personnes dédiées. La conception modulaire mise en place permet de proposer des solutions intégrées adaptées aux différents besoins des clients en réduisant les délais et coûts de développements. Elle permet de diminuer les coûts par effet d’échelle de production du plus grand nombre de module identique intégrable selon les spécificités des stations.
Enfin, la conception modulaire permet d’assurer au client que les solutions installées sont compétitives pour les 20 années à venir, en permettant des augmentations de capacité par addition au cours de la vie de l’installation, sans modification sur les modules constituant la colonne vertébrale de l’intégration d’origine.
Nous participons, également à des programmes européens, au cœur de la filière hydrogène, pour améliorer la performance des stations, dont le débit de ravitaillement à 700 bars pour les véhicules lourds et des solutions de compression innovantes.
Nous serons ainsi, un des premiers acteurs à mettre en service une station de 1 tonne/jour en 2024 pour accompagner la croissance des usages de nos clients et offrir, grâce à notre design modulaire, une montée en capacité pour atteindre des stations de 4 tonnes/jour dès 2025.
Quel regard portez-vous sur le chiffre d’affaires du premier semestre ?
H. R : Le chiffre d’affaires pour le premier semestre de 2023/2024 a atteint un record pour un premier semestre à 12,8 millions d’euros, soit une croissance solide de 20% par rapport à une base déjà très élevée puisque nous étions en croissance de 137% sur cette période lors de l’exercice précédent.
Il est à noter que la performance du premier semestre est historiquement marquée par une forte saisonnalité, puisqu’elle représente généralement seulement 1/3 du chiffre d’affaires annuel, laissant présager un deuxième semestre beaucoup plus élevé que le premier.
De plus, nous enregistrons un chiffre d’affaires significatif de 160.000 euros lié aux premiers contrats de maintenance sur une dizaine de stations : ce chiffre d’affaires récurrent a vocation à progresser rapidement pour atteindre des dizaines de millions d’euros à terme.
Le décalage d’un an de vos objectifs est-il lié à un attentisme des donneurs d’ordre ou à un délai de prise de décision plus long lié à un effet taille plus important des projets envisagés ?
H. R : HRS, fidèle à son habitude de transparence et de visibilité vis-à-vis des actionnaires et investisseurs, a proactivement réévalué la temporalité des projets en cours et leur impact sur son chiffre d’affaires. Le marché évolue rapidement, il se massifie. Nous sommes de plus en plus consultés pour des projets d’infrastructures hydrogène comportant plusieurs dizaines, voire centaines de stations, et logiquement les discussions autour de ces projets et de leurs déploiements se répartissent sur une plus longue période. Il s’agit pour HRS de capitaliser sur son avance technologique et industrielle, pour répondre au mieux aux nouveaux marchés, avec l’agilité nécessaire pour s’adapter à la vitesse de déploiement de ces derniers et à l’envergure européenne.
Quelle est la finalité du déploiement d’une activité de maintenance sur les stations déjà installées ? Quelle part du chiffre d’affaires pourrait-elle représenter à terme ?
H. R : Le déploiement de l’activité de maintenance sur les stations que nous installons vise à accompagner nos clients sur le long terme et à générer des revenus récurrents, à forte valeur ajoutée, sur l’ensemble de notre parc installé. C’est déjà une réalité, car nous avons signé des contrats de maintenance sur 100% de notre parc installé à date. Ils ont contribué pour 160.000 euros sur le semestre, mais pourraient représenter 5 millions d’euros d’ici les 24 prochains mois sur la base des stations en cours de fabrication, en cours de livraison et en cours de mise en service, soit un total de 52 stations.
Cette activité pousse encore plus la performance opérationnelle de l’entreprise afin d’accroitre la performance industrielle au quotidien, dans une démarche d’amélioration continue de nos stations.
À terme, la maintenance pourrait constituer une part significative de notre chiffre d’affaires, car ce service est facturé en moyenne à 7% du prix de vente chaque année sachant que nos stations sont vendues, entre 1,3 et 2,9 millions d’euros. À titre d’exercice de simulation, pour une base installée de 300 stations en 2030 par exemple, cela pourrait représenter entre 40 millions et 70 millions d’euros de chiffre d’affaires récurrent par an. En d’autres termes, les revenus récurrents à cet horizon suffiraient à eux seuls à assurer notre profitabilité.
Quels sont les leviers dont dispose HRS pour améliorer ses marges ?
H. R : Avec une moyenne de marge brute de 32% sur les 2 dernières années, HRS opère déjà sur la base d’une croissance rentable. Nous avons plusieurs leviers pour améliorer notre profitabilité comme nous l’anticipons au cours des prochaines années. La croissance attendue des volumes vendus, l’apport des contrats de maintenance et les effets d’échelle sur les stations de grandes capacités sont autant de facteurs qui nous permettront une meilleure absorption progressive de nos coûts. Nous maintenons également une discipline financière qui nous permet aujourd’hui d’être parmi les acteurs « hydrogène » les plus solides financièrement.
Votre carnet de commandes de 39 stations représentant un montant de 97 millions repose pour une large part sur deux clients (Hype et Engie). Existe-t-il des moyens d’élargir la clientèle du groupe ?
H. R : Le carnet de commandes s’est étoffé avec au début, des pionniers de la mobilité hydrogène et au fur et à mesure que le marché devient plus mature, des grands comptes et grands projets qui prennent de plus en plus de place dans notre pipeline de projets en négociation. Ainsi, nous travaillons déjà activement à l’élargissement de notre clientèle en Europe, et notre pipeline commercial actuel est constitué aujourd’hui de 236 stations en sélection ou en négociation finale, pour environ 350 millions de chiffre d’affaires potentiel sur la zone Europe. Cela concerne en grande majorité des clients grands comptes, solides financièrement, et qui portent des projets d’envergure. Nous sommes aujourd’hui particulièrement bien positionnés sur la France, l’Espagne et l’Italie, avec des avancées prochaines en Allemagne, au Royaume-Uni et en Europe de l’Est.
Comment le groupe envisage-t-il de se développer hors d’Europe ? En sous-traitant la production de stations ou en investissant directement dans les zones choisies ?
H. R : Le marché de la mobilité hydrogène est en forte croissance en dehors de l’Europe et nous avons déjà démarré une analyse de nos priorités de développement international en ciblant des zones géographiques précises. Des discussions avec des partenaires potentiels sont déjà en cours au Moyen-Orient, zone où nous estimons qu’un minimum de 200 stations hydrogène seront installées à l’horizon 2030. Aux États-Unis, où des besoins rapides en infrastructure sont déjà identifiés, le marché est estimé à 4 300 stations hydrogène d’ici à 2030 et nous avons l’intention de nous allier à des partenaires locaux pour adresser ces besoins. En Chine, nous poursuivons les études de marché et les contacts locaux afin d’estimer le potentiel de développement avant d’engager davantage de ressources.
À quel horizon cette stratégie d’internationalisation pourrait être déployée ?
H. R : Il faut savoir qu’il y a déjà dans notre pipeline commercial de 236 stations, en sélection ou négociation finale, des commandes potentielles dans des pays européens où nous ne sommes pas ou peu encore présents comme en Europe de l’Est.
Hors Europe, nous allons déployer notre stratégie entre maintenant et 2030 puisque des discussions sont en cours au Moyen-Orient, grâce à notre présence à la COP 28 et aux États–Unis où nous discutons avec plusieurs partenaires pour éventuellement créer une joint-venture et adresser la zone à court moyen terme.
Quelles sont les perspectives pour cette année ?
H. R : Pour cette année fiscale qui se clôture à fin juin 2024, nous anticipons un chiffre d’affaires compris entre 31 et 40 millions d’euros qui dépendra du nombre de nouvelles commandes reçues avant la fin de l’exercice. Plusieurs installations de nouvelles stations sont programmées avant la fin juin, ce qui fera croître notre parc installé et nous permettra de développer nos revenus récurrents de maintenance, ce qui fait partie intégrante de notre modèle de création de valeur.
Le groupe dispose-t-il d’un bilan suffisamment solide pour financer sa montée en puissance jusqu’à ce qu’il devienne rentable ?
H. R : Oui, nous sommes aujourd’hui le pure-player du marché de la station hydrogène qui peut présenter un bilan particulièrement solide avec une trésorerie disponible d’environ 30 millions d’euros à fin juin 2023. De plus, notre EBITDA courant est déjà proche de l’équilibre. En parallèle, nos principaux investissements industriels sont derrière nous et nous sommes focalisés, forts de notre expertise unique en Europe, sur le développement de notre activité commerciale, avec pour objectif d’atteindre dès 2025/2026 un chiffre d’affaires de 85 millions avec une marge d’EBIT courant d’environ 20%. Au cours de cette période, nous allons développer des stations d’encore plus grande capacité pour atteindre des débits jusqu’à 4 tonnes/jour en 2025.