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Clarisse Gobin-Swiecznik, Gérante de Rubis : « le statut de la commandite est de Rubis n’a pas vocation à évoluer »

Objet d’une forte défiance en Bourse pendant de nombreux trimestres, le titre de ce distributeur de produits pétroliers et producteur d’énergies renouvelables revient en grâce aux yeux des investisseurs. Sa valorisation à la casse et l’irruption de deux actionnaires réputés à son capital, dont l’homme d’affaires breton, Vincent Bolloré, ne sont sans doute pas étrangers à cette résurrection. Clarisse Gobin-Swiecznick rappelle la stratégie du groupe, ses ambitions dans les énergies renouvelables et défend les intérêts du groupe en matière de gouvernance.

Comment accueillez-vous l’irruption au capital de Rubis de deux nouveaux actionnaires réputés pour étant des hommes d’affaire à la fois avisés et coriaces ?

Clarisse Gobin-Swiecznik : Nous voyons ces deux prises de participation comme un intérêt manifeste pour le Groupe, son potentiel de croissance et la valeur qu’il recèle. En effet, la stratégie que nous déployons depuis de nombreuses années vaut au Groupe d’afficher d’excellentes performances notamment en 2022 et 2023. Pour autant, les demandes de projets de résolution de Monsieur Molis, très récemment entré au capital de Rubis, sont déstabilisantes et portent atteinte au bon fonctionnement du Groupe. Soyons clairs, nous sommes et avons toujours été à l’écoute de nos actionnaires et nous continuerons de privilégier un dialogue nourri et constructif dans l’intérêt de chacun de nos actionnaires.

Deux actionnaires ont déposé des résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 11 juin. Craignez-vous une réunion chahutée et le conseil de surveillance est-il prêt à étudier les demandes ?

C. G-S : Nous avons effectivement reçu des demandes de deux actionnaires, Ronald Sämann et Patrick Molis. La demande de Ronald Sämann est cohérente de la part d’un actionnaire attaché au Groupe de longue date. Il est en effet actionnaire depuis 2006 et avait souligné son intérêt pour Rubis lors de notre dernière assemblée générale. Sa candidature s’inscrit dans une logique de représentation des actionnaires au Conseil de Surveillance, ce qui n’est pas contradictoire avec nos pratiques puisque Rubis a déjà eu un ou plusieurs actionnaires représentés au Conseil de Surveillance. S’agissant de Patrick Molis, nous sommes surpris de la méthode. Sans la moindre volonté de dialogue, il s’est contenté de proposer une refonte radicale du Conseil de Surveillance alors qu’il n’est actionnaire que depuis deux mois. Cette démarche est brutale et hostile. Le Conseil de Surveillance s’est réuni le 19 mai pour étudier les projets de résolution proposés : Il a donné un avis favorable à la demande de nomination de Ronald Sämann en qualité de nouveau membre du Conseil de Surveillance, auquel il pourrait apporter ses compétences d’entrepreneur international. Il a donné un avis négatif unanime aux projets de résolution de Monsieur Molis qui lui octroieraient 50 % des sièges du Conseil de Surveillance avec seulement 5 % du capital.

N’est ce pas la stratégie de Rubis parfois jugée trop lente dans le développement de sa nouvelle filière d’énergie décarbonée qui est visée ?

C. G-S : L’acquisition de Photosol en avril 2022, son intégration réussie au sein du Groupe, a marqué pour Rubis un tournant stratégique vers les secteurs de l’énergie renouvelable. Ce mouvement dynamique, en ligne avec les tendances du marché mondial de l’énergie, alimentera notre croissance future et valorisera davantage notre Groupe. Les chiffres sont là : la production d’électricité renouvelable connaît un développement exponentiel. Grâce à une feuille de route clairement définie et exécutée avec agilité, le portefeuille de projets sécurisés a augmenté de +77% en 2023 par rapport à 2022 et le pipeline est 5 fois plus important. Ceci nous permettra d’atteindre l’objectif fixé de 3,5GW de capacités installées d’ici à 2030, en France et à l’international, en Italie et en Espagne notamment. Rubis prévoit de renforcer sa position de leader en France, de se diversifier dans des pays européens porteurs et de développer des synergies avec la branche de Distribution d’énergies.

La cession de la participation de 55% du groupe dans la JV Rubis Terminal lui donne-t-elle les moyens d’accélérer sa montée en puissance dans les énergies vertes ? De quelle marge de manœuvre financière dispose-t-il ?

C. G-S :  La cession de notre participation de 55% dans la JV Rubis Terminal s’inscrit parfaitement dans la logique initiée en 2020 avec l’entrée au capital d’I Squared Capital. Cette opération permet de disposer de moyens financiers supplémentaires pour continuer les développements de nos différents métiers et inscrire le Groupe dans une démarche multiénergies partout où nous sommes présents. En effet, le développement des énergies renouvelables est en phase avec les besoins de certaines de nos géographies et notre ambition de compter parmi les acteurs de référence. Cette cession permet aussi de cristalliser la valeur créée et de remercier nos actionnaires pour leur confiance avec le versement d’un dividende exceptionnel de 75 millions. J’ajoute que les investissements de Rubis Photosol peuvent être intégralement auto-financés pour atteindre notre ambition 2030.

Faire sauter le verrou de la commandite par action ne constituerait-elle pas la solution pour mieux valoriser le titre en Bourse et lever de l’argent frais sans trop de dilution ? Êtes-vous ouvert à discuter de cette possibilité avec les autres actionnaires importants de Rubis ou pas ?

C. G-S :  Le statut de la commandite est celui de Rubis depuis sa création et n’a pas vocation à évoluer. Nous avons fait le choix à la création de Rubis de privilégier une vision de long terme, la cohérence stratégique, la performance de notre modèle d’affaires et de nos activités, ainsi qu’une gouvernance stable. Tout ceci est rendu possible par ce statut juridique, l’un des piliers de notre succès. Le cash-flow opérationnel généré assure nos développements futurs au sein de chacun de nos métiers, tout en continuant à verser un dividende en croissance. Comme nous le faisons, sans interruption depuis 28 ans.

Comment le groupe gère-t-il le chaos politique et économique en Haïti ? Une sortie du pays est-elle envisageable ?

C. G-S :  Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, la situation en Haïti est devenue préoccupante. Cependant, un calme certain est revenu fin avril depuis la nomination du Conseil Présidentiel de Transition qui a nommé Monsieur Edgar Leblanc Fils comme président de la République en intérim. Nous n’avons jamais cessé d’approvisionner le pays en produits énergétiques et nous opérons en mode restreint pour subvenir aux besoins primordiaux de la population, que ce soit pour la production d’électricité, les opérateurs télécoms, l’approvisionnement de l’aéroport… Je veux ici remercier nos équipes, qui nous permettent d’assurer notre rôle d’opérateur essentiel et nous espérons que la situation se rétablira progressivement.

Comment se présente l’exercice 2024 ? Donnez-vous des objectifs financiers à plus long terme ?

C. G-S : Lors de la publication de nos résultats annuels 2023, nous avons donné pour 2024 une estimation de résultat brut d’exploitation entre 725 et 775 millions, réitérée lors de la publication des résultats du premier trimestre 2024. À ce jour, nous ne communiquons pas sur des objectifs de résultats financiers à plus long terme. Nous poursuivons les développements initiés pour renforcer nos positions de marché dans la distribution d’énergies et nous accélérons le développement de la production d’électricité photovoltaïque.

Rappelez-nous les grands principes de la politique de distribution de Rubis ?

C. G-S : Rubis a toujours mis en œuvre une politique de dividende attractive et est l’une des rares sociétés en Europe à avoir augmenté son dividende chaque année au cours des 28 dernières années, y compris en 2020, année de la crise Covid. Cette politique capitalise les fruits d’une stratégie de long terme, murement réfléchie, avec les très bons résultats que nous connaissons. Cette performance a été obtenue grâce au contrôle strict de l’endettement de Rubis, ce qui lui a permis de conserver une structure de capital solide.

Quel regard portez-vous sur le cours de bourse de Rubis ?

C. G-S : Comme ses pairs, Rubis a été affecté par le changement de paradigme majeur qui a eu lieu dans le secteur de l’énergie, avec des exigences croissantes en matière d’ESG et un fort impact sur leur valorisation. Dans ce contexte, la société a été réactive et agile, engageant une évolution de sa stratégie pour mieux servir les énergies d’aujourd’hui de demain avec deux métiers : la distribution d’énergie et la production d’électricité renouvelable. Les fondamentaux de Rubis sont robustes et résilients, lui permettent d’investir dans la nécessaire transition énergétique, tout en maintenant un solide momentum dans ses activités de distribution et en rémunérant ses actionnaires. Le Groupe a d’ailleurs affiché une nouvelle année record en 2023, avec un excédent brut d’exploitation de 798 millions d’euros (+19%) et un résultat net de 354 millions d’euros (+35%), malgré des vents contraires liés au change. Je veux assurer nos actionnaires que nous prêtons une attention renforcée aux leviers de création de valeur dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de Rubis, avec le soutien actif du conseil de surveillance.

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