Yves Le Masne, directeur général d’Orpea : « Le continent sud américain constitue une priorité pour le groupe qui y rencontre peu de concurrence »
Dans un entretien accordé à la Lettre de la Bourse, le directeur général d’Orpea, Yves Le Masne, revient sur les résultats semestriels du groupe, ses marges de manœuvre financière et sa politique de développement à l’international.
La lettre de la Bourse : Quel jugement portez-vous sur les comptes du premier semestre ?
Yves Le Masne (directeur général d’Orpea) : Les résultats sont solides, en progression d’environ 10% comme c’est le cas depuis maintenant 16 ans. Ils ressortent en ligne avec les attentes du marché et avec le modèle d’Orpea consistant à délivrer une performance de croissance rentable régulière sur la durée. Cette régularité nous permet de renforcer le lien de confiance avec les investisseurs et les actionnaires. Au premier semestre, cela s’est traduit par une croissance de 9,6% du chiffre d’affaires à 1,84 milliard d’euros, équilibrée entre une croissance organique de 4,7% et l’intégration des acquisitions récentes. L’excédent brut d’exploitation s’est apprécié dans les mêmes proportions (+9,7%) à 317,6 millions tandis que l’augmentation du bénéfice net est un peu plus soutenue (+11,6%) à 120,1 millions.
Pourquoi ne relevez-vous pas vos perspectives comme généralement vous le faîtes en cours d’exercice ?
Cela ne nous ait pas paru utile d’ajuster notre estimation de chiffre d’affaires de dix ou vingt millions d’euros. Nous conservons donc l’objectif de délivrer au moins 3,7 milliards de revenus et sommes très confiants dans notre capacité à faire mieux au regard de la performance du 1er semestre. Quant à la rentabilité, l’ambition est de faire au moins aussi bien que l’an dernier. Ce fut le cas au premier semestre avec une marge d’EBITDA qui a progressé de 10 points de base et, comme toujours, nous bénéficierons d’un effet de saisonnalité plus favorable sur la seconde partie de l’année lié à trois jours calendaires supplémentaires, l’absence de taxes foncières payées intégralement au premier semestre et une facture énergétique traditionnellement plus faible à cette époque de l’année.
Le basculement des taux d’intérêt en territoire négatif en zone euro ne renforce-t-il pas la visibilité de votre business modèle ?
C’est effectivement une très bonne nouvelle. Pas pour notre dette existante qui est à taux fixe et déjà couverte, avec un taux moyen de 2,8%. Mais pour le développement futur d’Orpea et pour la valorisation de son patrimoine. Dans ce contexte de taux extrêmement bas et grâce à la qualité de crédit d’Orpea, nous obtenons facilement des financements à des conditions très attractives proches de zéro %, tant auprès des banques que des investisseurs. Nous avons, par exemple, levé en mai dernier 500 millions d’euros sous la forme d’obligations convertibles à un taux très attractif de 0,375% sur une durée longue de 8 ans. C’est extraordinaire ! Parallèlement, la baisse des taux va mécaniquement revaloriser notre patrimoine grâce à des taux de capitalisation des loyers plus faibles. Notre patrimoine immobilier qui atteint 6 milliards d’euros au 1er semestre 2019, est valorisé avec un taux d’actualisation de 5,8%, soit un niveau conservateur au regard des transactions récentes sur le même type d’actifs qui se réalisent sur la base d’un taux de 4,5%.
Justement, quelle est votre marge de manœuvre financière ?
Elle est considérable. A la fin du premier semestre, nous disposons de près d’un milliard de trésorerie, notre structure financière est solide avec un endettement net de 5,37 milliards d’euros adossé à 85% sur le patrimoine immobilier et nos leviers retraités de l’immobilier de 2,4 fois l’excédent brut d’exploitation et de 1,6 fois les fonds propres sont très inférieurs aux autorisations (de respectivement 5,5 et 2 fois). Nous souhaitons poursuivre notre stratégie de développement volontariste tout en restant raisonnables.
Orpea compte-t-elle encore augmenter la part de détention des actifs immobiliers en patrimoine ?
Sur les 4 dernières années, nous avons massivement investi en immobilier pour remonter notre taux de détention pour le porter à 48% au 1er semestre 2019. Celui-ci est désormais proche de notre objectif de 50% qui représente un bon équilibre pour poursuivre notre développement. Comme nous l’avions annoncé, nous allons donc céder environ 250 millions d’euros dans les prochains mois, et poursuivre dans les prochaines années ces arbitrages avec des cessions de 300 à 400 millions d’euros par an.
Quelles sont vos ambitions sur le continent sud américain ?
Le potentiel est considérable. Rien qu’au Brésil à Sao Paulo par exemple, la population est de 20 millions d’habitants, soit plus qu’en Autriche et en Suisse réunies, avec un fort pouvoir d’achat comme en témoignent les prix de l’immobilier parfois plus élevés que dans certaines capitales européennes. Le continent Sud Américain constitue donc une priorité pour Orpea, qui rencontre peu de concurrence. Orpea est déjà numéro un sur le continent avec près de 3 000 lits en construction. De plus, nous avons pris une participation de 20% dans BSL, leader brésilien, avec l’intention de monter à 50% de son capital au cours des prochains mois. Nous avons également pris 50% du leader chilien, Senior Suites. L’Amérique Latine constitue donc un fantastique réservoir de croissance pour les années à venir où les besoins sont considérables.
Existe-t-il d’autres zones géographiques attractives ?
Oui de nombreux pays en Europe de l’est (Pologne, Tchéquie, Slovénie, Croatie, Slovaquie, Grèce, etc) et la Russie sont des marchés à fort potentiel. Il est plus difficile d’appréhender le marché chinois en raison des différences culturelles et c’est la raison pour laquelle nous restons prudents avec un seul établissement détenu en propre et où nous nous développons davantage sous forme de contrats de gestion : près de 1000 lits sont déjà ouverts, avec l’ambition d’atteindre 5.000 lits à moyen terme, mais toujours sous la forme de contrat de gestion.
Un mouvement de consolidation est-il envisageable en France dans le domaine des maisons de retraite ?
Il a déjà commencé depuis quelques années maintenant et notre concurrent Korian en est un artisan majeur puisqu’il a racheté Medidep en 2005 et plus récemment Medica en 2014. Orpea s’est plutôt développé en France par des créations d’établissements. Aujourd’hui, nos priorités se situent davantage à l’international. Il y a cinq ans Orpea était un groupe français (plus de 50% du chiffre d’affaires) avec des implantations dans d’autres pays européens. Aujourd’hui Orpea est devenu leader mondial et souhaite renforcer son leadership. Grâce à la nouvelle organisation du Groupe, la stratégie de globalisation s’accélère désormais.
Rappelez- nous les grandes lignes de votre politique de dividende ?
Pendant 18 ans, Orpea n’a pas versé de dividende à ses actionnaires pour privilégier son développement. Ce qui n’a pas empêché notre cours de Bourse de progresser régulièrement. Notre stratégie vise désormais un partage équilibré de la valeur ajoutée de l’entreprise avec un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires et un tiers alloué à l’investissement. Orpea n’est pas une valeur de rendement mais entre le dividende et la progression de son cours de Bourse, les actionnaires perçoivent chaque année une rémunération attractive.
Quels sont vos objectifs à moyen terme ?
L’ambition demeure de faire progresser chaque année de 8% à 10% le chiffre d’affaires et de maintenir un bon niveau de rentabilité. Enfin, Orpea souhaite consolider son leadership mondial dans le domaine de la dépendance en offrant une prise en charge globale et des services de qualité et renforcer son offre premium.
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