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Daniel Jacquemond, directeur général délégué Vilmorin & Cie : “Nous serions capables de réaliser une opération structurante sans augmentation massive de notre capital”

Dans un entretien accordé à La lettre de la bourse, Daniel Jacquemond revient sur les résultats de l’exercice 2018/2019 publiés par le quatrième semencier mondial et explique pourquoi il reste optimiste sur l’évolution du marché à moyen et long terme. Il évoque également la marge de manœuvre financière dont dispose Vilmorin & Cie pour participer à la consolidation de son marché.

Crédit photo : Vilmorin

La lettre de la bourse : quel regard portez-vous sur les résultats de l’exercice 2018/2019?

Daniel Jacquemond : je pense que ce sont des résultats de bonne qualité au-delà de leur lecture rendue un peu difficile par certains éléments  exceptionnels, tantôt positifs ou négatifs. Dans les semences potagères, Vilmorin & Cie se situe au-dessus des tendances globales de marché, tandis que dans les semences de grandes cultures, nous avons accompagné la bonne évolution du marché, notamment au niveau européen.

La lettre de la bourse : dans le détail, la marge opérationnelle courante du segment des semences potagères s’est malgré tout effritée  de 2,2 points pour revenir à 14,9% du chiffre d’affaires? Comment l’expliquez-vous ?

Cela peut s’expliquer par deux éléments. D’abord des impacts monétaires défavorables sur le real brésilien, le peso argentin, ou la livre turque. Ensuite, le mix produit des activités potagères a évolué dans un sens qui nous est moins favorable du fait du rachat, il y a trois ans d’une société américaine, Genica, dont une grande partie de l’activité s’effectue par délégation de produits à des distributeurs ou à des sociétés concurrentes, donc avec des marges plus faibles. Nous avons enfin développé des espèces à moins forte rentabilité, en particulier sur les légumes secs tels que les haricots ou les pois. Nous voulons continuer de développer ces activités car elles offrent des potentiels de croissance intéressants.

La lettre de la bourse : à l’inverse, le segment des grandes cultures a amélioré sa rentabilité opérationnelle courante de 4,7 points et bénéficié d’éléments exceptionnels positifs. Lesquels ?

Nos ventes ont progressé sur toutes les espèces et notre marge commerciale s’est améliorée de plus d’un point en Europe grâce à une excellente croissance de l’activité colza, ainsi qu’en Amérique du Sud sur le maïs. A cela s’ajoutent des produits non récurrents comme une plus-value sur la réorganisation de la société de recherche Biogemma, ou un profit sur la cession de l’outil industriel dédié à la production de semences de maïs en Hongrie.

 

La lettre de la bourse : N’êtes-vous pas un peu déçu par la contribution des sociétés mises en équivalence, dont le résultat de 26 millions provient en grande partie d’un profit de revalorisation ?

Il faut distinguer trois grandes sociétés mises en équivalence. Nous avons une participation d’environ 33 % dans la société australienne AGT, leader dans son pays sur les semences de blé. Elle est rentable et offre l’avantage de nous connecter, en termes de programmes de recherche, avec le reste de notre dispositif dans le blé. En ce qui concerne la principale société mise en équivalence, AgReliant, détenue à parité avec KWS et qui développe des semences de maïs et de soja aux Etats-Unis, sa contribution est effectivement décevante car nous avons décidé de refondre notre distribution auprès des distributeurs régionaux. Auparavant, nous opérions sous six marques différentes et avons décidé de fusionner les différentes marques sous une seule marque LG Seeds, ce qui s’est traduit temporairement par une perte de chiffre d’affaires. Par ailleurs les conditions météorologiques de la fin du printemps ont été très difficiles dans la région du Corn Belt et ont provoqué un certain attentisme chez les agriculteurs américains. Enfin la troisième principale société mise en équivalence, Seed Co, est impactée sur le marché du Zimbabwe en raison des difficultés de l’économie locale, mais ses performances à l’international, dans des pays comme la Zambie, la Tanzanie ou l’Afrique du Sud, sont très satisfaisantes et l’activité y reste très rentable.

 

La lettre de la bourse : quelles sont les perspectives du marché des semences à moyen et long terme ?

D’ici 2050, il faudra augmenter la production de produits agricoles d’environ 60% pour satisfaire la demande. Il y a une nécessité d’augmenter les rendements et cela ne pourra pas se faire à travers l’augmentation des surfaces agricoles qui ont plutôt tendance à diminuer dans le monde en raison de l’urbanisation. La productivité est liée à l’amélioration des performances techniques des produits et donc des semences. Le marché des semences progresse linéairement de l’ordre de 2% par an et cette croissance s’effectue à la fois en volume et en valeur.

 

La lettre de la bourse : le secteur semble malgré tout soumis à une forte pression concurrentielle…

C’est vrai. Ce phénomène est lié au marché de la production agricole et au prix des commodités telles que le maïs ou le soja, eux même fortement dépendants des évolutions climatiques. En Europe, les rendements ont été très mauvais cette année pour le blé et l’orge, mais la Russie et l’Ukraine ont affiché des rendements record. Il n’y a donc pas eu de flambée des cours et les agriculteurs ayant peu produit en Europe en ont souffert. Ils sont donc contraints de réaliser des arbitrages au niveau de leurs intrants et les semences en font partie.

 

La lettre de la bourse : le bilan au 30 juin traduit une augmentation de 146 millions d’euros de la dette nette. Comment l’expliquez-vous et de quelle marge de manœuvre dispose aujourd’hui Vilmorin & Cie sur le plan financier ?

La dette a effectivement augmenté en raison de l’allongement des délais de règlement de certains clients, notamment en Europe de l’Est et surtout des opérations capitalistiques réalisées ces derniers mois comme l’acquisition de Sursem et Geneze en Amérique du Sud ou AdvanSeed au Danemark. A la fin de l’exercice, l’endettement net représente 2,8 fois notre excédent brut d’exploitation contre un ratio de 2,6 un an plus tôt. Nous devons rester vigilants au sujet de notre levier de dettes sur excédent brut d’exploitation qui doit rester en dessous de 3, mais ce ratio peut ponctuellement être dépassé. Je signale que l’excédent brut d’exploitation n’intègre pas la part qui revient aux sociétés mises en équivalence, soit 26 millions d’euros sur l’exercice 2018/2019. Concernant notre marge de manœuvre, nous avons déjà eu l’occasion de faire appel au marché par le passé, mais aussi d’émettre de la dette. Nous serions donc capables de réaliser une opération structurante sans augmenter de façon massive notre capital. Il y a deux ans, nous avons par exemple étudié une opération de plusieurs centaines de millions d’euros liée au rapprochement entre Dow Chemical et DuPont. Cet actif a finalement été repris par un acteur chinois mais nos partenaires financiers étaient prêts à nous suivre.

 

La lettre de la bourse : Vilmorin & Cie va porter son taux de distribution de 38% à 41,9% cette année. Quelle est votre politique actionnariale ?

Notre politique de dividende n’a pas vocation à être modifiée et se base sur un taux de distribution des résultats économiques compris entre 30% et 40%. Cette année nous atteignons 41,9% car nous sommes conscients que l’évolution boursière de Vilmorin & Cie est décevante et il nous est apparu important de faire un geste envers nos actionnaires en maintenant le dividende à 1,35 euro par action malgré l’attribution d’une action gratuite pour dix intervenue en janvier, ce qui revient à une augmentation de 9%.

 

La lettre de la bourse : comment expliquez-vous ce parcours boursier décevant ?

La valeur d’entreprise de Vilmorin & Cie ne représente plus qu’environ 5 fois notre excédent brut d’exploitation contre un ratio moyen historique compris entre 7 et 8 fois. Cela peut s’expliquer par le fait que notre capital est verrouillé compte tenu de la participation d’environ 70% détenue par Limagrain. Le titre est par ailleurs peu liquide en raison du phénomène précédent et du fait que nos autres actionnaires s’inscrivent en général dans une démarche à long terme. Enfin, les marchés avaient peut-être été trop optimistes il y a quelques années concernant le prix des matières premières agricoles. L’amélioration de la productivité n’a pas provoqué la hausse des prix escomptée. Il faut enfin reconnaître que notre très rentable division semences potagères a vu sa croissance légèrement ralentir depuis quelques années et cela peut susciter des interrogations chez les investisseurs.

 

La lettre de la bourse : peut-on imaginer une diminution du poids de Limagrain dans le tour de table de Vilmorin & Cie ?

Limagrain n’a pas l’intention de perdre le contrôle de la société. C’est un actionnaire patient  et de très long terme qui ne prend pas ses décisions en fonction du cours de bourse. Ceci étant, entre 70% et 50% de détention, il y a une marge de manœuvre susceptible d’être utilisée en fonction des projets que nous pourrions proposer. On peut se demander si Bayer a intérêt à conserver sa division semences potagères, très marginale à l’échelle du groupe et il en est de même pour Syngenta, mais les choses peuvent très bien se maintenir en l’état.

 

La lettre de la bourse : quelles sont vos prévisions pour l’exercice 2019/2020 ?

 A données comparables, nous tablons sur une croissance de 3% de notre activité potagère et de 2% de notre activité grandes cultures, soit une hausse globale de notre chiffre d’affaires comprise entre 2% et 3%, avec un taux de marge opérationnelle courante d’au moins 8%, à comparer à 8,4% sur le dernier exercice qui intégrait des éléments positifs à caractère exceptionnel. Ces prévisions peuvent paraitre prudentes, mais nous sommes optimistes pour les tenir.

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