Jean Ferrier, Directeur Général Adjoint d’Abeo : « l’objectif de 300 millions d’euros de revenus dépendra de la réalisation d’acquisitions »
Dans le cadre d’un entretien accordé à la Lettre de la Bourse, Jean Ferrier, directeur général adjoint d’Abeo, revient sur la performance en demi-teinte du groupe au premier semestre 2018/2019. Il évoque aussi les leviers mis en place pour restaurer les marges et les projets de croissance externe.
La lettre de la Bourse : À quoi attribuez-vous le net ralentissement de la croissance organique du chiffre d’affaires observé depuis la fin du premier semestre de l’exercice 2018/2019 ?
Jean Ferrier : La dynamique interne de l’activité constitue un des catalyseurs importants du business modèle d’Abeo. Fin 2016 au moment de l’introduction en bourse à Paris de la société, le plan stratégique visait à délivrer une croissance moyenne de 20% du chiffre d’affaires sur quatre ans et ainsi à doubler le volume de facturations avec un objectif de 300 millions d’euros à fin mars 2020. Dans le détail, une dynamique interne de l’ordre de 6% à 7% par an et le solde (+13,5%) provenant d’acquisitions devaient nous permettre de réaliser cette performance. Que s’est-il passé depuis l’introduction en Bourse d’Abeo ? La croissance organique s’est révélée très robuste la première année (+13,1%) avant de revenir à un rythme de 2,8% la seconde année, de 3,5% la troisième et de 0,9% sur la première partie de l’exercice en cours. Pour l’instant en cumulé depuis l’IPO, Abeo est parvenu à dégager une dynamique interne moyenne de 6,3% conforme à ses ambitions et nous restons très confiants, malgré la faiblesse du premier semestre, sur notre capacité à réaliser une performance comparable sur l’ensemble de l’exercice 2019/2020 grâce à une deuxième partie d’année bien meilleure.
Mais comment expliquez-vous alors la performance décevante du premier semestre ?
J.F : Elle doit s’apprécier effectivement au regard d’un environnement conjoncturel moins favorable et à deux facteurs en particulier qui ont pénalisé notre division Sport dont les ventes se sont contractées de 0,2% à périmètre et taux de change constants. Le premier concerne l’incertitude autour du Brexit sachant qu’environ 15% de l’activité du Groupe est réalisée en Grande-Bretagne. Cela a suscité un certain attentisme des acteurs privés qui a affecté notre division Sport et, dans une moindre mesure, notre branche Vestiaires. Le deuxième élément du premier semestre concerne le repositionnement opéré de notre filiale chinoise Cannice rachetée début 2018 afin de l’adapter aux standards du Groupe. Elle est désormais dotée d’une base industrielle performante lui permettant de fabriquer des produits et des équipements homologués par la fédération internationale de gymnastique et d’adresser à la fois le marché chinois mais également de partir à la conquête d’autres marchés internationaux. Reste à redéployer une force commerciale pour lui donner les moyens de monter en puissance. Abstraction faite de ces deux facteurs négatifs (le Brexit et la refonte de la filiale chinoise), la croissance des ventes de la division Sport aurait été en ligne avec ses standards de 5% à 7%.
Et sur les deux autres métiers ?
J. F : dans le Sportainment & Escalade, la dynamique interne -0,4% a souffert d’une base de comparaison très exigeante (+18,4% un an auparavant) et l’activité repose, en général, sur des projets de taille importante susceptibles de créer une certaine volatilité d’un trimestre à l’autre. Dans le Vestiaire (+3,8%), la performance aurait été sensiblement meilleure sans l’effet négatif du Brexit.
Pourquoi êtes-vous si positif au second semestre ?
J. F : Nous devrions profiter effectivement d’une accélération sensible de la croissance organique de la société. Dans le Vestiaire, l’activité devrait être soutenue en France par la perspective des élections municipales du printemps 2020 qui, traditionnellement, génèrent des investissements sur les infrastructures sportives publiques. En Allemagne, au travers de notre filiale Meta, l’activité sera également satisfaisante. Dans le Sportainment & Escalade, le portefeuille de projets est très correct et un certain nombre d’entre eux seront délivrés au second semestre. Par exemple, en Asie, la réalisation du mur d’escalade de l’université de Pékin au début de l’été nous a permis de remporter de nouvelles commandes. La branche profitera également de l’intégration en année plein de la filiale Fun Spot. Enfin dans le Sport, les craintes d’un Brexit sans accord semblent moins fortes et les indicateurs sont mieux orientés en Grande-Bretagne tandis qu’en Chine, la perte de chiffre d’affaires liée au repositionnement de notre filiale sera beaucoup moins importante. Nous allons ainsi renouer dans le Sport avec une belle dynamique de croissance. Cela devrait permettre à Abeo d’atteindre sur l’ensemble de l’exercice un chiffre d’affaires de l’ordre de 250 à 260 millions d’euros hors nouvelle croissance externe.
L’objectif de 300 millions d’euros de facturations annoncé au moment de l’introduction est-il remis en cause ?
J. F : non mais cela dépendra de la réalisation d’une opération de croissance externe. Et à ce jour, même si plusieurs dossiers sont à l’étude, rien ne présage de leur réalisation d’ici fin mars 2020.
Justement disposez-vous encore d’une marge de manœuvre financière suffisante pour saisir des opportunités de croissance externe ?
J. F : Oui. Nous avons négocié fin 2018 avec nos partenaires financiers une ligne de crédit de 30 millions d’euros confirmée et une autre de 30 millions d’euros non confirmée. Nous disposons encore d’une flexibilité par rapport aux ratios d’endettement autorisés qui sont de 3,5 fois l’excédent brut d’exploitation et 1 fois les fonds propres. Ces multiples peuvent toujours être revus avec nos créanciers qui accompagnent le développement du Groupe depuis des années et il est également possible de payer toute ou partie de nos acquisitions en titres en procédant à une augmentation de capital réservée.
Quelles sont les zones géographiques ou les métiers sur lesquels se concentrent vos recherches ?
J. F : Abeo est encore très exposé à l’Europe (70% du chiffre d’affaires) mais dispose encore d’un gros potentiel de développement en Amérique du nord (20%) et en Asie (10%). L’objectif est de rééquilibrer nos forces sur un plan géographique et de consolider notre positionnement sur nos trois métiers existants : le Sport, les Vestiaires et le Sportainment & Escalade. À noter qu’avec Fun Spot, nous nous sommes renforcés dans le Sportainment, activité désormais rattachée à l’Escalade dans la Division Sportainment & Escalade.
Quelle évolution de la rentabilité anticipez-vous ?
J. F : La performance du dernier exercice (recul de 1,8 point de la marge brute d’exploitation à 7,7%) n’était pas satisfaisante et a été pénalisée par les mesures d’intégration de certaines sociétés récemment acquises ainsi que par les efforts pour optimiser notre outil de production et notre force commerciale. Nous avons mis en place un certain nombre de leviers visant à restaurer notre marge à moyen terme.
Pouvez-vous rappeler les grands principes de la politique de distribution de dividendes ?
J. F : Depuis notre entrée en Bourse, Abeo reverse chaque année à ses actionnaires un tiers de ses profits et cette politique devrait être poursuivie.
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