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François-Xavier Chauchat, économiste chez Dorval Asset Management : « les actions sont aujourd’hui le placement le moins cher »

François-Xavier Chauchat, économiste chez Dorval Asset Management, société de gestion reconnue dans les domaines des stratégies flexibles patrimoniales et du stock-picking en actions européennes, fait le point sur l’évolution de la conjoncture mondiale et livre ses pronostics en matière de placements pour les prochains mois, y compris sur l’or et la Bourse.

François-Xavier Chauchat - Dorrval
François-Xavier Chauchat – économiste à Dorrval

La lettre de la bourse : Les risques politiques semblent se régler en cette fin d’année. Votre avis ?

François-Xavier Chauchat : Restons prudents. Pour l’instant, l’accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine n’est toujours pas signé. Et la lutte contre la Chine va demeurer un des chevaux de bataille de l’administration américaine pour longtemps encore. Mais les investisseurs commencent à avoir des raisons de croire que le cycle anxiogène de hausse des droits de douane est terminé, et qu’une petite décrue pourrait même intervenir. Concernant la Grande-Bretagne, la victoire de Boris Johnson aux élections législatives a le mérite de clarifier la situation politique du pays bloquée depuis trois ans. Ce qui va permettre désormais au premier ministre de faire voter le Brexit et de relancer l’économie avec des mesures budgétaires. Mais 2020 s’annonce très compliqué avec le démarrage de négociations difficiles entre la Grande-Bretagne et la zone euro pour créer de nouvelles relations commerciales. Michel Barnier, le commissaire européen, estime qu’il faudra deux à trois ans pour trouver un accord quand le premier ministre britannique, Boris Johnson, se donne la fin de l’année 2020 pour y parvenir. Beaucoup de tensions sont donc encore à redouter.

Le bas de cycle a-t-il été atteint sur la conjoncture mondiale ?

F.X. C : le marché est en train de faire la part des choses entre la guerre commerciale démarrée début 2018 et le cycle industriel. Sa dégradation observée également depuis deux ans a longtemps été associée au bras de fer entre les Etats-Unis et la Chine. Mais il n’y a pas véritablement de liens entre ces deux paramètres. Et pour cause, certains secteurs industriels comme l’automobile et les semi-conducteurs commencent à donner des signes de reprise. C’est important de faire la distinction. Le ralentissement de l’industrie automobile n’a pas été provoqué par la guerre commerciale. La chute du marché chinois, par exemple, était davantage liée à la fin des subventions et au basculement, comme en zone euro, vers de nouvelles normes anti-pollution. Mais aujourd’hui, le marché chinois est en train de se stabiliser et devrait repartir en 2020. Ainsi, le cycle industriel qui, depuis dix-huit mois maintenant, a été une source de révision à la baisse des perspectives de la croissance mondiale, pourrait renouer avec une configuration plus positive dès l’année prochaine.

Vous êtes donc optimiste ?

F.X. C : Disons que le cycle macro-financier commencé en 2009 va encore se poursuivre en 2020 grâce au redémarrage du cycle industriel et du maintien de politiques monétaires accommodantes par les banques centrales. Ces dernières constatent que les marges de croissance non inflationnistes existent et demeurent plus importantes que prévu dans un contexte mondial de plein emploi caractérisé par des taux de chômage historiquement faibles (à l’exception de pays comme l’Italie et la France). Donc, le cycle de croissance va jouer les prolongations l’année prochaine. Les banques centrales y veillent et des mesures de relance budgétaire pourraient le soutenir. Car un des avantages de la baisse des taux d’intérêt est de pouvoir alléger la charge de la dette des Etats et de leur donner de la marge de manœuvre. C’est ce qu’a fait notre président, Emmanuel Macron, pour financer la baisse des impôts à la suite du mouvement social des gilets jaunes.

Les marchés actions vont continuer de progresser ?

F.X. C : La peur de la récession a disparu et les investisseurs effectivement retrouvent un certain goût pour le risque grâce à une certaine accalmie politique, et surtout à l’arrêt de la dégradation du cycle industriel, le tout sur des niveaux de valorisation qui n’ont rien d’extravagant et se situent en ligne avec les moyennes historiques. N’oublions pas également que par rapport aux autres actifs (obligations, actifs non cotés, immobilier des grande villes), les actions demeurent aujourd’hui le placement le moins cher. Est-ce que les marchés vont s’emballer ? Difficile de le dire mais, en revanche, nous assistons depuis quelques semaines maintenant à des arbitrages des valeurs de croissance et au profil défensif vers des compartiments de la cote jusque-là délaissés comme les petites capitalisations et les valeurs moyennes ou les actions japonaises et britanniques. C’est ce que nous appelons la diffusion du marché haussier (« bull market »). La tendance devrait se poursuivre en ce début d’année 2020 et les portefeuilles de Dorval Asset Management sont bâtis en ce sens. Même si nous avons conscience que des pics de volatilité liés à la résurgence de tensions politiques entre les Etats-Unis et la Chine ne sont pas à exclure.

Quels sont les secteurs à privilégier ?

F.X. C : Comme je vous l’ai dit les petites capitalisations qui ont souffert depuis deux ans d’une prime de liquidité sans doute excessive, et les compartiments les plus cycliques comme l’automobile, l’industrie et les financières susceptibles de profiter à la fois d’une reprise de la conjoncture et d’une remontée des taux d’intérêt.

Justement la hausse des taux ne représente-t-elle pas un risque ?

F.X. C : Effectivement, le retour de l’optimisme peut favoriser une repentification des courbes de taux. Mais le risque paraît pour le moment assez limité pour au moins deux raisons. La première est que les tensions entre les Etats-Unis et la Chine peuvent se renflammer à tout moment. La deuxième raison tient au fait qu’il n’y aura pas de reprise forte de la croissance mondiale. La Chine demeure dans une phase de pilotage de son ralentissement et les Etats-Unis sont également en décélération après le mini-boom associé à la forte baisse des impôts de 2018.

Les niveaux de dettes ne sont-ils pas excessifs ?

F.X. C : Le débat revient souvent mais je ne partage pas les inquiétudes. Il y a d’abord une confusion entre les dettes publiques et privées. Les premières, quand elles sont émises en monnaie locale, bénéficient des politiques monétaires ultra-accommodantes et, en cas de stress, sont transférables auprès des banques centrales. Quant aux dettes privées des pays développés, elles ont augmenté moins vote que le PIB depuis la reprise du cycle de croissance de 2009, contrairement aux phases précédentes. Il existe certes des poches d’excès, comme peut-être l’endettement des sociétés dans certains pays, mais les charges d’intérêt demeurent raisonnables grâce à la faiblesse des taux d’intérêt. Il n’y a donc pas de problèmes tant que la tendance se maintient.

Votre sentiment sur l’or ?

F.X. C : L’évolution du métal jaune dépend étroitement de la demande des pays émergents. L’Inde, qui est le deuxième plus gros consommateur d’or du monde, est aujourd’hui en phase de ralentissement. Pour autant, dans un environnement de taux bas, le métal jaune conserve son rôle de valeur refuge en cas de résurgence de tensions politiques que ce soit entre la Chine et les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne et la zone euro, ou si la conjoncture économique mondiale déçoit.

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