Sébastien Martin, directeur financier de Claranova : « en sortie de crise, des opportunités émergeront »
Dans un entretien à la Lettre de la Bourse, Sébastien Martin, directeur financier de Claranova, précise l’impact du Covid-19 sur l’activité de ce spécialiste de l’impression mobile et des logiciels. Il revient aussi sur les résultats de l’exercice 2019, marqués par de bonnes performances sous-jacentes dans un contexte d’investissements soutenus. L’occasion de détailler également les rouages du business model de cette société en pleine croissance.
La marge opérationnelle courante normalisée de Claranova a reculé de 3 points au premier semestre pour se situer à 4,8%. Comment expliquez-vous cette détérioration apparente ?
Sébastien Martin : La dégradation de notre profitabilité sur la première partie de l’exercice 2019-2020 est en trompe l’œil. Elle masque en réalité une amélioration de nos fondamentaux et de notre rentabilité sous-jacente. L’explication est assez simple. Même si nous sommes une entreprise à caractère technologique, nous n’amortissons pas nos investissements en Recherche & Développement ou en marketing, indispensables à la montée en puissance de notre base clients et de notre « repeat business » (ventes répétitives ou récurrentes). Ces dépenses, que nous avons amplifiées ces derniers mois, sont intégralement passées en charges. Or elles sont la clé de notre modèle vertueux. In fine, la croissance organique de nos activités doit devenir quasiment mécanique. Les investissements nécessaires pour obtenir du chiffre d’affaires additionnel seront minimes, ce qui est un levier d’amélioration de nos marges. On le voit déjà dans notre métier historique d’Impression mobile, Dans cette activité ancienne de maintenant cinq ans, la marge opérationnelle courante normalisée s’est hissée à 7,4% au premier semestre contre 6,8% un an plus tôt. Et cela à partir d’un chiffre d’affaires de 122 millions d’euros, en hausse de 25% à périmètre constant.
Dans quels domaines avez-vous investi en début d’année ?
S.M. : Au premier semestre 2019-2020, nous avons accentué les efforts marketing dans nos trois pôles d’activité. Par exemple, dans l’impression mobile, nous avons lancé notre offre dans deux nouveaux pays, l’Autriche et la Pologne – portant à douze le nombre de pays nos débouchés couverts –, tout en relançant la mécanique commerciale de Personal Creations, société américaine rachetée l’an dernier à la barre du tribunal. Quant au pôle Logiciels (anciennement Internet), il a poursuivi sa transformation vers un modèle récurrent, portant à 42% la part des abonnements dans les revenus contre 35% sur la même période de l’exercice précédent. Cela a un coût puisque le panier moyen est plus faible en abonnement que dans la vente de licence, alors que les charges marketing augmentent pour passer d’un modèle à l’autre. Enfin, dans l’Internet des Objets (IoT), nous avons mis les bouchés doubles dans la constitution de notre réseau de distributeurs et l’élargissement de notre offre.
Justement, où en est le développement de myDevices, votre filiale dédiée à l’IoT ?
S.M. : Dans cette activité naissante, nous avons quasiment doublé de taille en quelques mois : le nombre de nos revendeurs est passé à 123 à fin mars, et celui des clients à 450, alors qu’ils étaient respectivement de 62 et 250 à la fin de l’exercice précédent. Nous n’en sommes cependant qu’au début du travail d’évangélisation commerciale. Quelque part, nous créons une rente de situation. Fidélisés, nos clients auront recours à des solutions IoT pour d’autres usages et d’autres sites. L’écosystème se met en place. Par exemple, dans l’hôtellerie, si nos clients débutent par un système de contrôle de température pour une chambre froide, ils passent ensuite à des usages comme le contrôle de la qualité de l’air ou la gestion des accès parking, tout en démultipliant ces investissements à l’ensemble de leurs établissements. Nous comptons sur l’augmentation massive des volumes pour générer une forte rentabilité. Le seul frein au développement de cette activité à court terme est l’impossibilité d’installer actuellement de nouveaux capteurs en raison de l’état d’urgence sanitaire lié à la pandémie de coronavirus.
Quel premier bilan tirez-vous de l’intégration de Personal Creations ?
S.M. : Cette société, qui intervient dans le domaine des cadeaux personnalisés, revient de loin puisqu’elle avait été placée en « chapter eleven » (procédure de sauvegarde simplifiée) avant que nous la rachetions. Nous savions et avions annoncé que son intégration dans le périmètre allait peser sur notre rentabilité, ce qui n’a pas manqué de se produire au premier semestre 2019-2020. Personal Creations a malgré tout dégagé une rentabilité de 1,6%, ce qui est honorable. La bonne surprise est venue de la progression du chiffre d’affaires, plus rapide que prévu : les efforts de relance ont porté leurs fruits. Nous enclenchons à présent le deuxième volet du redressement par le biais d’un travail sur la structure et le déploiement des synergies. Il s’agit notamment d’implémenter le back office technique et de développer les ventes croisées avec notre activité d’Impression mobile.
Comment Claranova est affecté par l’épidémie de Covid-19 ?
S.M. : Il n’y a pas de rupture dans nos affaires. Nos activités sont presque entièrement en ligne, ce qui nous protège de la paralysie de l’économie. Très tôt, nous avons basculé notre organisation vers le télétravail, avant même le confinement pour certains sites. Notre souci principal a été et reste de protéger nos salariés. Heureusement, aucun cas grave n’est à déplorer dans nos équipes. Claranova reste opérationnel pendant la crise sanitaire. Par ailleurs, nous n’enregistrons aucune rupture de production puisque nous avons une diversité de fournisseurs. Seule décision pénalisante, nous avons fermé temporairement l’usine de Personal Creations aux Etats-Unis. Mais les ventes se poursuivent pour le moment, seules les livraisons sont décalées. Par ailleurs, cette fermeture intervient en basse saison pour l’activité de la société, si bien que l’impact sera devrait être limité.
Quels comportements adoptent vos clients pendant cette crise ?
S.M. : Paradoxalement, nous avons l’impression que les gens profitent de cette période pour imprimer davantage de photos qu’à l’accoutumée. En l’absence de liens directs, la famille, les souvenirs et les amis prennent davantage d’importance dans la conscience des individus. Notre activité Impression mobile connaît ainsi de bonnes ventes depuis quelques semaines. Quant aux comportements à plus long terme, je ne pense pas que la crise économique va réduire nos ventes. Nous sommes moins chers que nos concurrents sur l’ensemble de nos activités. Il est même possible que nous engrangions des parts de marché supplémentaires. Car les consommateurs et entreprises feront davantage attention à leurs dépenses. A titre d’exemple, notre application d’impression mobile permet d’imprimer gratuitement jusqu’à 45 photos par mois et ce, sans abonnement ou engagement de votre part. Il n’y a pas d’obligation d’achat.
Cette crise sanitaire modifie-t-elle votre plan de marche ?
S.M. : Pas de manière fondamentale même si nous sommes plus prudents sur nos projets qu’auparavant. Cela est particulièrement vrai pour les acquisitions. Il est impossible de rencontrer d’autres personnes, ce qui est rédhibitoire pour conclure des opérations. Nous attendrons donc la sortie de crise pour envisager, le cas échéant, une acquisition. Des opportunités devraient émerger et nous serons là pour les saisir si elles ont un intérêt pour nous, sur la base de critères stricts. Le rachat d’une société doit avoir un impact positif et pérenne sur le bénéfice par action. Il doit créer de la valeur pour tous les actionnaires et non pas générer du chiffre d’affaires pour générer du chiffre d’affaires. S’agissant de nos objectifs à horizon 2022-2023, nous les mettons en suspens le temps que le manque de visibilité sur la crise sanitaire se dissipe. Prétendre que le Covid-19 n’a pas d’impact sur notre environnement n’est pas crédible. Nous restons humbles et prudents face à cette crise inédite.
Avez-vous vocation à distribuer un dividende à vos actionnaires ?
S.M. : Claranova est une valeur de croissance. Réallouer nos bénéfices à notre développement a plus de sens que redistribuer les profits, du moins dans l’immédiat. Cela crée davantage de valeur. Nous avons encore fort à faire dans le cadre de notre expansion. Nous souhaitons étendre la base installée pour nos différents métiers, élargir nos horizons géographiques pour l’impression mobile, finir de transformer le modèle dans les Logiciels vers l’abonnement et porter à maturité le projet myDevices.
Comment expliquez-vous la trajectoire boursière de Claranova ?
S.M. : Avec un flottant de plus de 80%, le titre Claranova offre une grande liquidité, ce qui le rend attractif aux yeux des investisseurs court-termistes. Mais notre actionnariat est aussi composé de petits porteurs, gérants et institutionnels très fidèles. En tout état de cause, nous travaillons à augmenter la part des investisseurs de long terme. Attirer ces fonds mobilise du temps, mais cela se révélera payant. A travers une meilleure appréhension de notre modèle, le marché devrait à terme mieux valoriser Claranova. Notre stratégie porte ses fruits et se traduit par une amélioration structurelle de nos fondamentaux.
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