Jean-Claude Le Lan, président du conseil de surveillance « notre résultat récurrent représente 75% des loyers »
Le très beau parcours boursier de cette foncière spécialisée sur les entrepôts logistiques dans un secteur complètement chamboulé pour la crise sanitaire et objet d’une forte défiance de la part des investisseurs nous a incité à faire le point avec son président-fondateur, Jean-Claude Le Lan. Celui-ci confirme la pertinence de la stratégie de la foncière et l’excellente visibilité sur les perspectives financières.
Comment appréciez-vous le chiffre d’affaires du troisième trimestre d’Argan ?
Jean-Claude Le Lan : A fin septembre, nos revenus locatifs s’élèvent à 106 millions d’euros et progressent très fortement de 56% par-rapport à la même période de l’année dernière grâce à notre dynamique interne mais également à l’ajout à notre patrimoine du portefeuille Cargo (22 entrepôts Premium de Carrefour), que nous avons acquis l’an dernier pour 900 millions d’euros et qui génèrent un surcroît de loyers annuel de 45 millions d’euros. Cette croissance nous permet de revoir à la hausse notre objectif de chiffre d’affaires de 140 millions à 142 millions d’euros pour l’année. La profitabilité devrait suivre cette trajectoire puisque notre résultat récurrent représente en moyenne 75% des loyers, un ratio parmi les plus élevés du secteur des foncières.
La société a-t-elle souffert de la crise sanitaire ?
J-C. L-L : non pas vraiment. Doté d’un patrimoine d’une valeur de 2,7 milliards d’euros, Argan est spécialisé dans le développement et la gestion d’entrepôts logistiques. Cette classe d’actifs demeure incontournable sur un métier de la distribution en pleine évolution avec la montée en puissance du e-commerce. Un signe ne trompe pas : celui de la différence de traitement en bourse entre les foncières de centres commerciaux pénalisées actuellement par les effets de la crise sanitaire et la prime de valorisation dont bénéficie l’action Argan qui témoigne de l’intérêt des investisseurs.
Vos clients, qui sont des entreprises de premier plan, ont-ils été fragilisés ? Ont-ils sollicité des demandes de renégociation de loyers ?
J-C. L-L : Absolument pas. Nos clients, qui sont de grands groupes internationaux, évoluent dans des domaines d’activité très résilients comme la distribution alimentaire, l’équipement de la personne avec Décathlon ou les cosmétiques comme L’Oréal. Peu de nos locataires sont présents sur des industries plus sensibles comme les équipements automobiles ou le textile et leur part dans notre chiffre d’affaires est marginale et ne soulève pas d’inquiétudes particulières. Pour autant, nous restons vigilants, considérant que les effets de la crise sont à venir.
La durée ferme moyenne des baux ressort à 5,4 ans en moyenne. Existe-t-il des moyens de l’allonger ?
J-C. L-L : les baux signés portent en général sur des durées fermes de 9 ans. En l’absence de développement du patrimoine, la durée moyenne des baux perd 1 an chaque année. Le savoir-faire d’Argan consiste à fidéliser ses locataires en renouvelant les baux. Preuve en est : le taux d’occupation est aujourd’hui de 100%. Par ailleurs, il est prévu la livraison l’an prochain d’un entrepôt assorti d’un bail d’une durée exceptionnellement longue de 15 ans.
Avec un ratio d’endettement correspondant à 56% de la valeur du patrimoine, Argan dispose-t-elle d’une marge de manœuvre financière suffisante pour continuer de se développer ?
J-C. L-L : Historiquement, Argan fonctionnait avec un taux d’endettement net de 70% qui s’est réduit au fil des ans. Ce niveau des 56% demeure raisonnable au regard de la nature de notre dette. Nous avons en effet principalement recours à de la dette hypothécaire amortissable. Ce type d’endettement est sécurisant pour le prêteur et nous permet de profiter d’un environnement de taux de crédit compétitifs qui incite à recourir au levier de la dette. Le taux de rendement locatif de nos entrepôts, qui est de l’ordre de 5,5%, offre un écart avec les taux de crédit qui nous est effectivement très favorable et créateur de valeur.
Quels sont les projets en cours ?
J-C. L-L : Chaque année, Argan investit en moyenne 150 millions d’euros dans de nouveaux entrepôts, ce qui génère un surcroît de loyers de l’ordre de 8 millions. Ainsi au troisième trimestre, deux actifs ont été livrés, une plateforme frigorifique d’une surface de 21.000 mètres carrés située à Strasbourg (Vendenheim) et louée à Auchan, et l’autre plus petite, une messagerie de7.000 mètres carrés près de Lens occupée par DPD. Sur les trois derniers mois de l’année, Auchan prendra location d’un nouvel actif localisé à Tours. Et pour l’année prochaine, le portefeuille sera aussi enrichi de nouveaux entrepôts. Par ailleurs, dans le cadre de notre politique d’arbitrage, un volume annuel moyen de 30 millions d’euros est également appelé à être cédé.
Un développement en-dehors de France est-il envisageable ?
J-C. L-L : non. Nous nous concentrons sur l’hexagone. Le marché des entrepôts est très morcelé en France puisqu’avec 3 millions de mètres carrés en patrimoine, Argan n’en détient que 5%. Il y a donc encore des opportunités à saisir et nous devons composer avec la concurrence d’investisseurs financiers et de promoteurs. C’est là que le savoir-faire d’Argan permet de faire la différence en étant à la fois développeur et gestionnaire d’entrepôts. Nous pouvons ainsi capter la marge de promotion en ayant accès à un prix de revient constructeur.
Vous êtes une des rares sociétés à vous engager sur des perspectives chiffrées ? Quelles sont-elles ?
J-C. L-L : Grâce à l’opération d’acquisition réalisée auprès de Carrefour, le chiffre d’affaires va augmenter de 42% à 142 millions d’euros, représentant un résultat récurrent de 75%. Ce niveau, qui était encore de 60% en 2016, a pu être considérablement amélioré en optimisant le coût moyen de la dette à 1,65% et en jouant sur les économies d’échelle.
Rappelez-nous le principe de la politique de dividende du groupe ?
J-C. L-L : Doté du statut fiscal des SIIC, Argan a l’obligation de distribuer 95% de son résultat social. Nous allons au-delà de cette règle et nous augmentons chaque année le dividende en moyenne de 10% par an tout en conservant les ressources nécessaires à notre développement de 150 millions d’euros chaque année. Le rendement ressort ainsi entre 2% à 2,5%.
Comment expliquez-vous la prime importante dont bénéficie le titre en bourse alors que le reste du secteur des foncières est plutôt sous pression ?
J-C. L-L : Par l’attrait dont bénéficie Argan auprès des investisseurs. Nous sommes la seule foncière spécialisée dans les entrepôts logistiques et nous avons toujours tenus nos engagements financiers, ce qui offre un gage de confiance.
Vous avez introduit une dimension environnementale dans la gestion de votre patrimoine. Expliquez-nous ?
J-C. L-L : Effectivement, en janvier 2018, nous avons annoncé notre plan Climat afin de limiter l’empreinte carbone. Notre objectif est de rendre à la fois moins énergivore et plus vertueux notre portefeuille d’actifs. Sur les entrepôts déjà existants, nous agissons pour améliorer le bilan de consommation d’énergie. Pour ce faire, nous installons des systèmes d’éclairages LED intelligents asservis à la luminosité et à la présence humaine. Par ailleurs, nous améliorons les équipements de chauffage par de nouvelles chaudières à haut rendement équipées de brûleurs modulables, ce qui améliore la consommation énergétique de l’ordre de 20 %. Pour les nouveaux développements, nous proposons des entrepôts dont l’exploitation est à empreinte carbone neutre sur les plans du chauffage et de l’éclairage avec notamment l’installation de pompes à chaleur et de panneaux photovoltaïques posés en toitures et destinés à l’autoconsommation des locataires.
Conseils sur Argan
Tous les conseilsArgan: un désendettement rapide
La foncière bénéficie d’une progression soutenue de ses revenus locatifs et d’un taux d’occupation optimal de ses immeubles. La valeur du patrimoine a recommencé à progresser depuis le début de l’année et l’endettement a bien diminué, ce dont les investisseurs n’ont pas encore tenu compte.
Argan pour miser sur l’immobilier sans risque
Cette foncière est leader sur le segment très recherché des entrepôts logistiques de dernière génération. Plutôt que de vendre des actifs dans un marché peu favorable, le groupe a levé sans problème 150 millions pour accélérer son développement. En croissance régulière chaque année, les résultats et les dividendes disposent d'une excellente visibilité. L'assouplissement annoncé en juin de la politique monétaire de la BCE arrive au bon moment pour soutenir le titre.
Argan pour miser sur la visibilité des performances
Avec un taux d'occupation de quasiment 100% de ses actifs, cette foncière spécialisée dans les entrepôts de dernière génération est à l'abri des soubresauts de la conjoncture. Les projets de développement prévus pour cette année et 2024 sont d'ores et déjà financés pour l'essentiel.
Argan : la sanction devient sévère
La foncière spécialisée dans le développement et la location d’entrepôts premium n’échappe pas à la défiance des investisseurs sur le secteur provoquée par la remontée des taux d’intérêt. Elle est pourtant positionnée sur un segment porteur et a pris des mesures convaincantes pour maîtriser sa dette. La décote et le rendement élevés rendent le titre très attractif.