Daniel Jacquemond, Directeur général délégué de Vilmorin & Cie : « Le montant du dividende nous paraît respectueux des intérêts des actionnaires individuels »
Le spécialiste des semences a publié des résultats solides au titre de l’exercice 2019/2020 clos le 30 juin. Son Directeur général délégué, Daniel Jacquemond, revient sur les grands enseignements de cette année inédite, nous livre ses prévisions pour l’exercice en cours et nous explique pourquoi Bpifrance est entrée au capital de la société.
Pouvez-vous nous commenter les résultats de l’exercice 2019/2020 clos le 30 juin que vous venez de publier ?
Daniel Jacquemond : Notre chiffre d’affaires, qui avait déjà été publié, s’est élevé à 1,43 milliard d’euros en hausse de 3,2% à données courantes. Cette croissance se décline entre une hausse de 2,6% pour l’activité de semences potagères et de 4,2% pour les semences de grandes cultures. Cette progression est en ligne avec les objectifs que nous avions donnés l’an passé à la même époque avant de les suspendre quelques semaines après l’annonce du confinement. Le résultat opérationnel a atteint 110 millions d’euros, en légère contraction. Mais des éléments exceptionnels, pour plus de 7 millions d’euros, avaient pesé positivement sur le résultat d’exploitation de l’exercice 2018/2019. Si on les exclut, il ressort en légère croissance. La marge opérationnelle s’établit en-dessous de 8%, elle aussi en léger recul. Le résultat net s’est élevé à 68 millions contre 78 millions un an plus tôt, un chiffre qui comprenait une opération de revalorisation comptable de 11 millions d’euros liée à une des sociétés mises en équivalence. Si l’on ne tient pas compte des éléments exceptionnels favorables l’an dernier, d’un montant global de 18 millions d’euros, le bénéfice a progressé de 13%. Les résultats ont globalement progressé au cours de l’exercice 2019/2020.
Quels sont les grands enseignements que vous retenez de cette année inédite ?
D.J. : J’en retiens plusieurs. Nous avons opéré dans le cadre d’une crise sanitaire mondiale. Un élément loin d’être anodin dans la mesure où Vilmorin & Cie évolue sur tous les continents. Cette crise a remis en avant le rôle essentiel des activités semencières dans la chaine alimentaire que la consommation finale soit végétale ou animale. Il était primordial dans ce contexte d’assurer la continuité de l’activité de production agricole. D’autant que la période de confinement a coïncidé avec une période cruciale pour nos activités. Bien que Vilmorin & Cie soit un groupe international, une grande partie de notre activité est implantée dans l’hémisphère Nord. Le printemps correspond au début des cultures. Il fallait que nous puissions assurer la livraison de nos produits à nos clients. La crise a aussi démontré la résilience de nos activités et de notre modèle d’entreprise. Ce dernier favorise la proximité avec les clients et les marchés, il repose sur une forte délégation aux différentes entités du groupe. Le pilotage de l’activité est assuré directement sur le terrain, ce qui a permis de garantir la sécurité du personnel et des clients. Notre modèle de développement a démontré sa pertinence.
Comment se sont comportées vos deux principales branches ?
D.J. : L’activité de semences potagères a enregistré de bonnes performances qui confortent notre position de numéro un mondial. La marge opérationnelle s’est avérée en léger recul, à 15%, mais la division reste la plus contributive aux résultats du groupe. Des éléments exceptionnels liés au contexte ont pesé. Le groupe a subi les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis par exemple. Nous produisons une partie des semences en Chine pour le marché américain. Nos expéditions passaient par le territoire des Etats-Unis avant d’être dispatchées dans les autres pays du continent (Mexique, …). En conséquence, nos produits ont subi le renchérissement des taxes douanières décidé par l’administration Trump. Cette situation nous a obligé à réorganiser nos flux logistiques, ce qui a pris un temps de latence.
La branche Grandes cultures a connu une bonne progression de l’activité à l’international. Notre développement en Afrique et en Asie, qui a débuté au début des années 2010, porte ses fruits avec une hausse des ventes et une plus grande contribution aux résultats.
Comment se présente l’exercice en cours ? Que redoutez-vous le plus ?
D.J. : Nous tablons sur une croissance de l’activité d’au moins 3% à données comparables et sur une marge opérationnelle proche de 8% dans la lignée de celle dégagée au cours des derniers exercices. Ce niveau de marge tient compte d’un effort de recherche soutenu. Nos investissements en matière de R&D devraient s’élever à environ 265 millions d’euros, contre 260 millions l’an dernier. Alors que nous aurions pu les ralentir au regard du contexte, nous avons fait le choix industriel de les renforcer. La création des produits qui seront commercialisés dans 5 ou 10 ans en dépend.
Nous attendons également une contribution des sociétés mises en équivalence (AgReliant, Seed Co, …) en forte progression, à environ 22 millions.
Fondamentalement, nos marchés restent bien orientés. Les premières indications confirment le bon démarrage de l’exercice, avec notamment une bonne saison estivale pour le colza (un produit à forte marge).
Nous avons su lors du confinement nous organiser rapidement pour tenir nos engagements et poursuivre notre développement. Le groupe est prêt si la crise sanitaire perdurait. Nous restons néanmoins attentifs à deux éléments. Le premier est la logistique. Si l’Europe décidait de fermer ses frontières intra-communautaires, cela rendrait l’activité compliquée. Le second tient à la disponibilité de la main d’œuvre. Nos clients ont une activité saisonnière, et sont dans l’obligation de recruter au moment de la récolte de leurs cultures. Or ils ont rencontré des difficultés pour le faire au printemps dernier. Ce risque existe encore.
Votre activité est portée par des tendances de fond. La crise sanitaire remet-elle en cause vos perspectives sur le moyen et long terme ?
D.J. : Notre marché est lié à l’alimentation humaine. Or aucun ralentissement de la croissance de la population mondiale n’a été constaté. Les modes de consommation n’ont pas non plus particulièrement évolué. Le marché des semences reste dynamique. Nous n’anticipons aucune transformation notable sur notre activité. Deux choses sont néanmoins à considérer si la crise devait s’installer. Notre organisation industrielle et logistique pourrait évoluer : nos sites étant concentrés en Europe de l’Ouest, nous aurons peut-être besoin d’entrepôts logistiques intermédiaires pour servir l’ensemble des marchés européens. Une réflexion sur une plus grande digitalisation de notre offre, par exemple via une plateforme, est également menée sachant toutefois que la technicité de notre métier nécessite des conseils et une certaine proximité.
On assiste au retour des OPA dans de nombreux secteurs. La crise offre à cet égard des opportunités. Envisagez-vous des opérations de croissance externe ?
D.J. : Une de nos priorités de développement consiste à grandir en Afrique. Nous menons une réflexion avec notre partenaire Seed Co sur la mise en œuvre d’un plan stratégique pour y parvenir. L’Asie reste également un territoire d’intérêt.
Nous possédons une structure financière solide avec au 30 juin un levier de financement de 2,7 et un ratio d’endettement net sur fonds propres de 76%. Ce qui nous confère une capacité d’endettement complémentaire. Nous avons de plus conclu, il y a quelques mois, un accord de financement long terme avec la Banque européenne d’investissement, dédié à la recherche.
Bpifrance est entrée dans votre capital. Pouvez-vous nous expliquer l’intérêt de cette opération alors que vous disposez d’un actionnaire de référence de poids avec Limagrain ?
D.J. : Bpifrance ne nous vient pas en aide. Son entrée dans notre capital correspond à la stricte application d’un protocole financier établi entre Limagrain, Vilmorin & Cie et Bpifrance. L’établissement a procédé à la conversion d’obligations remboursables en actions, et a transformé un investissement sur Limagrain en titres Vilmorin & Cie. Il n’y a donc pas de création de nouvelles actions. Cette opération n’aura en conséquence aucun impact dilutif sur les actionnaires individuels.
Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste votre politique de rémunération des actionnaires ?
D.J. : Notre taux de distribution s’élève entre 30 et 40% du résultat net en tenant compte des dispositions spécifiques du moment. Sous réserve de l’approbation de l’assemblée générale, le dividende au titre de 2019-2020 a été fixé à un euro par action, ce qui représente 35% du résultat net, dans la moyenne basse des dernières années. Nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de distribuer un dividende cette année alors que la crise du Covid-19 sévit toujours. Mais maintenir un dividende nous a semblé important. Son montant nous paraît raisonnable et respectueux des intérêts des actionnaires individuels.
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