Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marché chez IG France : « Vers une longue consolidation des marchés actions au second semestre »
Après une performance remarquable des actions à Paris tirée par le luxe et à Wall Street alimentée par le rattrapage des valeurs de la tech américaine, des questions se posent sur la soutenabilité de la trajectoire sur la seconde partie de l’année. Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marché chez IG France nous livre ses perspectives.
Quel regard portez-vous sur la performance des marchés actions au premier semestre ?
Alexandre Baradez : On peut distinguer deux phases : la hausse des marchés au premier trimestre a été tirée principalement par la réouverture de l’économie chinoise et la révision à la hausse de certaines prévisions de croissance, notamment pour la zone euro après que les craintes liées à l’énergie se sont fortement dissipées. Cette première partie de la hausse est « légitime ». La hausse sur le deuxième trimestre soulève plus d’interrogations : les chiffres économiques en provenance de Chine témoignent d’un net tassement du momentum de reprise, les données économiques montrent que l’Allemagne est finalement entrée en récession alors que les responsables politiques avaient globalement écarté cette possibilité, et la Fed et la BCE poursuivent leur cycle de hausse de taux. Une petite consolidation a commencé à se faire sur les indices européens comme le CAC40 et le DAX, et il serait légitime qu’elle se poursuive sur la période estivale.
Doit-on s’inquiéter de la contribution limitée d’un faible nombre de valeurs (le luxe en France et la tech à Wall Street) à cette performance ?
A.B : Sur une vision moyen-terme des choses, c’est-à-dire un horizon de plusieurs trimestres, ce n’est pas vraiment inquiétant car cela peut signifier qu’une large partie des valeurs ne contribue pas à ce rallye et donc qu’à partir du moment où ce sera le cas, la hausse se poursuivra et sera plus solide car reposant sur un plus grand nombre de valeurs. En gros, le rattrapage de performance de nombreuses valeurs d’ici quelques temps consolidera le momentum haussier. Mais sur un horizon de quelques semaines à quelques mois, il y a tout de même un risque : le rallye ayant été surtout alimenté par les très grosses capitalisations voire les « mégacaps », sur fond notamment de montée en puissance du thème « intelligence artificielle », il est possible que les investisseurs/spéculateurs aient été un peu vite et qu’il faille probablement un certain temps avant que les promesses technologiques de l’IA ne se concrétisent dans la hausse des chiffres d’affaires et des bénéfices. Un peu comme lors de la bulle internet mais à plus petite échelle.
Vous attendez-vous à un reflux de l’inflation de base ou à son maintien à des niveaux largement supérieur à l’objectif des banques centrales ?
A.B : Le repli de l’inflation globale jusqu’à présent est majoritairement dû à l’énergie et à l’alimentation en raison des effets de base. L’inflation sous-jacente, c’est-à-dire l’inflation dépouillée de ces deux éléments volatils affiche des progrès beaucoup plus modestes, car l’inflation dans les services a du mal à se résorber, à la fois en raison d’une demande qui est restée forte mais aussi en raison de hausses de salaires sensibles observée en Europe et aux Etats-Unis à cause d’un marché de l’emploi tendu. Jerome Powell a lui-même reconnu lors de ses dernières interventions que la politique monétaire avait jusqu’à présent joué un rôle assez limité dans le ralentissement de l’inflation, expliquant qu’une partie importante de l’ajustement monétaire devait encore se faire sentir. Il y a peu de chances qu’on se rapproche des 2% d’inflation « core » avant le second semestre 2024 et même si les hausses devraient s’arrêter au troisième trimestre, il y a peu de chance d’un ajustement à la baisse avant 2024.
La normalisation des politiques monétaires est-elle désormais proche ?
A.B : Nous sommes dans cette phase de normalisation monétaire et il ne reste probablement plus qu’une ou deux hausses de 0,25% pour la Fed et la BCE avant d’expliquer que le taux terminal a été atteint. L’erreur à ne pas commettre serait de considérer que l’arrêt des hausses de taux marque le début d’un « pivot » des banques centrales. Les taux vont rester élevés plusieurs mois derrière et l’ajustement du bilan des banques centrales va se poursuivre, ce qui signifie que les conditions vont rester restrictives pour l’économie durant encore plusieurs trimestres.
Va-t-on éviter la récession en zone euro et aux Etats-Unis ?
A.B : L’Allemagne est déjà entrée en récession, la dégradation récente des indices PMI en France notamment dans les services, laisse planer également cette menace. La probabilité d’une récession en zone euro est relativement élevée même si une récession n’a pas forcément vocation à être catastrophique comme lors de la crise des subprimes. Une légère récession peut faire partie du processus pour ramener l’inflation à 2% sans pour autant que le marché du travail ne se dégrade trop. Il ne faut pas perdre de vue les excès post-Covid quand on met en balance le risque d’une récession qui pourrait être légère. Aux Etats-Unis, la très forte inversion de la courbe de taux fait clairement planer un risque de récession qui semble faible au regard des dernières données économiques plutôt résilientes. Mais historiquement depuis 50 ans, un tel degré d’inversion de la courbe de taux, notamment entre les taux 2 ans et 10 ans, a toujours débouché sur une phase de récession.
`Que faut-il attendre de la saison des publications semestrielles des sociétés ? Des révisions en baisse des perspectives sont-elles à craindre ?
A.B : Il me semble que le risque portera moins sur les résultats que sur les projections des entreprises. Les dernières projections ont été faites après les résultats du premier trimestre dans un contexte de reprise de l’activité en Chine. Mais le ralentissement de ce rebond et la faiblesse économique de l’Europe pourrait entraîner certaines révisions de projections ce mois-ci lors des résultats du deuxième trimestre.
Comment voyez-vous la seconde partie de l’année ?
A.B : L’économie américaine devrait ralentir au deuxième semestre, le risque de récession sera élevé pour la zone euro et la Chine devrait annoncer de nouvelles mesures pour soutenir son économie. Les politiques monétaires devraient rester restrictives même si l’inflation poursuivra probablement son repli. Donc les marchés actions devraient avoir du mal à fortement performer dans ce contexte. Il faudra peut-être attendre les premiers signes d’un pivot des banques centrales début 2024 pour retrouver un moment franchement haussier. Une longue consolidation des marchés en Europe et aux Etats-Unis pourrait s’installer durant la deuxième partie de l’année.
Sur quels secteurs et valeurs faut-il miser ? Quels sont ceux à éviter ?
A.B : On observe déjà une phase de consolidation sur les valeurs de consommation qui pourrait se poursuivre plusieurs mois dans un contexte où les taux restent élevés, où les crédits sont plus rares et plus chers et où les soutiens fiscaux seront plus faibles en raison de la nécessité de retrouver une trajectoire budgétaire plus soutenable pour de nombreux pays.
Le secteur tourisme/loisirs pourrait être intéressant à moyen-terme, surfant toujours sur la période post-Covid mais il s’est déjà pas mal redressé en bourse après la réouverture sanitaire de la Chine. Intéressant mais à condition d’accepter une possible phase de consolidation entre temps.
Le secteur de l’immobilier côté a perdu 50% depuis le point haut post-Covid, cela peut sembler un peu contre intuitif de s’y repositionner tout de suite dans l’environnement de taux actuel mais il y a probablement des points d’entrée intéressant pour des positions tenues sur le moyen-terme
Les valeurs technologiques ont déjà beaucoup rebondi tirées par le thème de l’intelligence artificielle, même si le risque de retournement semble limité, une période de consolidation avec quelques prises de gains semble nécessaire dans les mois à venir, sachant que les obligations d’entreprises ou les obligations souveraines offrent d’excellents rendements sur des horizons court et moyen-terme, pouvant limiter à un moment donné l’appétit excessif pour les actifs risqués.
Pendant quelques mois les secteurs un peu défensifs (santé, télécom, utilities) peuvent être recherchés par les investisseurs, notamment si l’économie mondiale ralentit sous l’effet des restrictions monétaires, avant qu’un pivot n’intervienne dans quelques mois.
A quelle échéance anticiper un assouplissement des politiques monétaires ?
A.B : En cas de fort ralentissement économique voire de contraction économique aux Etats-Unis au troisième ou quatrième trimestre, cela pourrait intervenir en toute fin d’année, lors de la réunion de décembre par exemple. Mais il faudrait assister à un fort coup de frein économique aux Etats-Unis et en Europe pour cela. Sinon, il est peu probable d’avoir les premiers signes de « pivot » des banques centrales avant le milieu du premier semestre 2024.
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